Le tribunal criminel a entendu hier huit accusés, tous des cadres dirigeant des entreprises publiques, ayant perdu les fonds qu’ils avaient déposés à la banque Khalifa. Parmi eux, Belarbi Salah Hamdane, ancien responsable de la mutuelle de la police, mis à la retraite, il y a deux ans, en tant que contrôleur de la Sûreté nationale. Il commence par expliquer le contexte dans lequel l’argent des travailleurs de la Sûreté nationale a été placé à El Khalifa Bank. «Il y a eu une réunion du conseil d’administration de la mutuelle qui a adopté une résolution relative au placement des fonds, qui étaient dans des banques publiques, à des taux de 6%, jusqu’à 9% dans des banques privées.
Une commission a fait le tour des banques et elle a retenu El Khalifa Bank, pour ses taux très attractifs de 12 %», souligne-t-il. Il précise qu’en 2001, deux conventions ont été signées avec l’agence de Chéraga, dirigée par Omar Mir, pour le placement de 207 millions de dinars. «Quelque temps après, ajoute-t-il, Adda Foudad, alors président du comité de contrôle de la mutuelle, a parlé aux membres de la mutuelle, de l’agence de Hussein Dey qui accordait des taux compris entre 13% et 14%. Après négociations, deux autres conventions ont été signées entre Abdelmoumen Khalifa et Mokrani M’hand.
Le montant total des quatre conventions a atteint 257 millions de dinars. Nous avons récupéré 57 millions de dinars d’intérêt, mais pas le capital. J’entends ici des responsables dire qu’en 1999, 2000 et 2001, il y avait déjà des irrégularités. Il fallait alerter, parce qu’il y avait notre argent qui était en jeu. Légalement nos conventions ont bien été rédigées.» Le juge l’interroge sur la convention signée entre le défunt Ali Tounsi et Abdelmoumen Khalifa, en tant que PDG de Khalifa Airways, en disant que celle-ci portait «sur une réduction de 50% sur les billets d’avion sur les lignes du sud du pays, et 30% pour les vols intérieurs et internationaux.
Avec Air Algérie, nous avions une réduction de 25% mais pas pour le Sud». Le président : «Et la gratuité au profit de cette liste de 22 ou 25 cadres de la police ?» L’accusé : «En ma qualité de directeur central, j’ai appelé M. Nanouche, directeur général de Khalifa Airways, pour lui demander une gratuité au profit des cadres. Il m’a dit de faire la demande par écrit. Je l’ai faite avec l’accord du DGSN et par courrier portant l’en-tête de l’institution.» Le juge : «Ce sont des cartes de voyage pour les cadres et les membres de leurs familles pendant une période indéterminée. Est-ce normal ?» L’accusé : «Oui, mais cela s’est fait de la manière la plus transparente.
Au mois de mars 2001, la liste a été établie par moi-même et transmise à Khalifa Airways.» Le juge : «Vous êtes parti de 30% de réduction pour les policiers, pour arriver à la gratuité pour les cadres. Pourquoi ne pas avoir introduit la gratuité dans la convention signée entre Abdemoumen Khalifa et le DGSN ?» L’accusé : «Nous ne l’avions pas prévu. Cette gratuité, c’est moi qui l’ai demandée. Nous avions entendu parler de billets gratuits.» Le président du tribunal a du mal à comprendre cette gratuité, alors que le DGSN n’a pu obtenir qu’une réduction de 30% et l’accusé répond : «Cela entre dans le cadre du partenariat entre la DGSN et la compagnie aérienne.»
Le président appelle Abdelmoumen Khalifa, qui sursaute du fond du box, et se met à chercher sa veste. «Vous aviez déclaré la dernière fois qu’il n’ y avait pas de gratuité. Avez-vous entendu parler de cette gratuité dont parle l’accusé ?» demande le juge. Abdelmoumen Khalifa : «Nous avions une convention pour des réductions, je ne pense pas qu’il y avait des billets gratuits. Nous devions payer les taxes.» Me Ali Meziane, avocat d’El Khalifa Bank, insiste pour savoir si l’accusé a payé le billet qu’il a obtenu en tant que cadre de la DGSN. «Je crois que j’ai payé les taxes», dit-il.
Le procureur général l’interroge sur le choix des agences de Chéraga et de Hussein Dey, «là où il y a eu des malversations» alors que le siège de la mutuelle se trouve au centre-ville, à côté de l’agence de Didouche Mourad, et l’accusé déclare : «C’est le taux d’intérêt qu’elles accordaient qui nous a attirés.» Il affirme que l’assemblée générale de la mutuelle avait validé le retrait des fonds de la mutuelle de la BDL et leur placement à El Khalifa Bank Chéraga, puis à celle de Hussein Dey. Le procureur général revient sur Adda Foudad et demande à l’accusé si c’est lui qui a proposé l’agence de Hussein Dey. «Bien sûr que c’est lui, qui nous a conseillés, en nous disant qu’elle accordait un taux d’intérêt de 14% », dit-il.
L’accusé Smati Bahidj Farid, PDG de l’Entreprise nationale de l’agroalimentaire (ENAL), a été entendu sur le dépôt de 100,2 millions de dinars à El Khalifa Bank de Hussein Dey et d’El Harrach, qu’il n’a pas pu récupérer L’accusé commence par affirmer que les placements de la société étaient diversifiés : «Nous avions comme directives d’opter pour la banque qui offrait le meilleur taux. Plus de 50% de nos clients avaient un compte à la banque Khalifa.
De ce fait, nous avions des problèmes énormes pour faire passer la compensation. Nous avions besoin de notre trésorerie et de la décision d’ouvrir un compte courant à l’agence El Khalifa Bank de Hussein Dey a été prise. Cela nous a permis d’encaisser nos chèques dans un délai de 24 heures. Quelque temps après, les responsables de cette agence sont venus voir le directeur financier de l’entreprise.» Il explique qu’à l’époque, il n’y a eu aucun incident avec la banque, «puisque notre capital et les intérêts avaient été récupérés, déjà en 2003. Le dernier dépôt a été effectué en février 2003».
En ce qui concerne les garanties de la banque, l’accusé explique : «La fiabilité d’une entreprise ne peut être vérifiée que par l’obtention de ses 3 derniers bilans, certifiés par un commissaire aux comptes. Mais pour nous, la banque était sous le contrôle de la commission bancaire et de la Banque d’Algérie.» Le juge : «Mais ce n’était pas le cas.» Il l’interroge sur la carte du Centre de thalassothérapie de Sidi Fredj, dont il aurait bénéficié. L’accusé confirme et précise qu’elle lui a été remise par un employé du centre. Selon lui, il n’y avait aucun lien entre les placements et cette carte. Il affirme que l’hôtel en question fait partie du même holding, service duquel la société dépend. De ce fait, ajoute-t-il, les PDG du groupe avaient droit à la gratuité des soins dans le centre.
Le procureur général lui fait remarquer que la société en question a été liquidée, mais l’accusé tente d’expliquer les raisons qui sont, selon lui, liées aux gestionnaires qui lui avaient succédé, mais aussi aux événements qui ont secoué la Kabylie en 2001, etc.
Bourahla Hamid lui succède à la barre. Il était directeur de l’exploitation de l’unité de boissons à El Harrach, faisant partie du Groupe boissons d’Algérie (GBA), de 1998 jusqu’en 2003, où il a été promu directeur général. Il est le seul cadre dirigeant poursuivi dans cette affaire, dont la société n’a pas perdu d’argent. Il explique que le placement à El Khalifa Bank a eu lieu en trois étapes, de septembre 1999 jusqu’en 2002, avec un taux d’intérêt de 11,5%. «Un premier montant de 50 millions de dinars, puis un autre de 20 millions de dinars et ensuite 150 millions de dinars.
Lorsque j’ai pris la direction générale, j’ai trouvé 100 millions de dinars en dépôt avec 11,5% et un crédit de 100 millions de dinars, octroyé par El Khalifa Bank avec un taux d’intérêt de 5,5%, et 34 millions de dinars, revenus des intérêts. En réalité nous n’avions rien perdu. Bien au contraire, nous avions une bonne trésorerie.» Le juge l’interroge sur la carte de thalassothérapie et l’accusé lance : «Je suis un grand amateur de sport. Toutes les salles de sport d’Alger, je les ai fréquentées et de ma vie je n’ai jamais bu, fumé ou pris de la chique. Je viens de boucler mes 68 ans, et le centre thalasso, je le connaissais avant El Khalifa Bank.»
Le président cite une longue liste de Bourahla comportant des noms de personnes qui auraient bénéficié de billets de voyage auprès de Khalifa Airways. L’accusé jure qu’il n’a aucun lien de parenté avec ces personnes. Le procureur général l’interroge sur la différence entre les taux d’intérêt accordés dans le cadre de crédit et dans le cadre des placements. «Moi-même je me suis posé cette question et j’ai trouvé ces taux bizarres. Mais je me suis dit que cette banque est agréée par l’Etat et qu’elle ne peut pas échapper au contrôle.»
«La Banque d’Algérie aurait dû nous alerter»
L’accusé cède sa place à Saïd Ammour, ancien PDG de l’Endimed, une société publique de distribution de médicaments. Il affirme avoir reçu une délégation d’El Khalifa Bank, son vice-président et le directeur de l’agence d’El Harrach, Aziz Djamel, qui lui a proposé des produits banquiers, comme les placements. «La société a commencé par ouvrir des comptes d’exploitation pour faciliter nos relations avec les clients, qui étaient tous domiciliés à El Khalifa Bank, précisant que l’entreprise n’avait pas procédé au retrait de nos placements à terme au CPA.
Nos pertes concernaient les chèques impayés, parce qu’El Khalifa Bank avait arrêté ses activités. Nous avons déposé une plainte parce que pour nous c’était grave», souligne l’accusé. Le juge l’interroge sur la carte de thalassothérapie, l’accusé répond : «Je n’étais même pas au courant. Un chauffeur du centre en question l’a déposée à mon secrétariat.
C’est ma secrétaire qui m’en a informé et je lui ai dit : ‘‘Donne-la à quelqu’un qui souffre de rhumatisme’’. Notre société était très rentable, nous avions un chiffre d’affaires de 10 milliards de dinars.» Interrogé sur le fait de n’avoir pas déposé les fonds de la société à El Khalifa Bank, il révèle qu’il avait de bonnes relations avec le CPA, et de plus la banque privée venait juste d’être créée. Le procureur général lui fait savoir que les comptes d’exploitation ont profité à El Khalifa Bank, et l’accusé lui précise que ses activités avec Khalifa étaient très marginales.
A une question de son avocate, Me Issaad, sur le placement à El Khalifa Bank, l’accusé déclare : «Il y a eu une résolution du conseil d’administration relative à la nécessité de placement à terme à El Khalifa Bank, et j’ai refusé de l’appliquer. J’avais peur du fait qu’elle était toute nouvelle sur le marché.» Safi Telli, ancien directeur général de l’Agence de développement social (ADS), explique qu’avant sa désignation en 2001, l’agence avait un crédit saoudien de 1,8 milliard de dinars, pour les microcrédits. «Elle a fait appel à toutes les banques pour l’aider à gérer.
Deux ont répondu, la BNA, qui était très chère, et El Khalifa Bank, qui a fait des propositions intéressantes. Le conseil d’orientation a validé cette offre, et la convention a été signée pour la gestion des microcrédits, et deux comptes d’exploitation ont été ouverts.» L’accusé dit avoir pris le train en marche, en août 2001. Il confirme qu’à aucun moment l’agence n’a placé ses fonds et qu’en 2008, le montant a été consommé à 80%.
Le blocage des concessionnaires auto
La fin du conflit !
le 18.05.15 | 10h00
Le gouvernement fait machine arrière par rapport au cahier des charges imposant des équipements de sécurité pour l’importation de véhicules neufs. Un arrêté ministériel publié dans le Journal officiel n°24 du 13 mai 2015 apporte des changements importants pour l’activité des concessionnaires : la suppression de l’obligation de doter les véhicules de l’ESP et des airbags latéraux cités au niveau de l’article 23 du cahier des charges, fixant les conditions et modalités d’exercice de l’activité de concessionnaires automobiles.
Cet arrêté modifie en effet le précédent arrêté ministériel (publié le 15 mars dernier) qui obligeait notamment les concessionnaires d’équiper leurs véhicules avec au moins quatre airbags. L’article 3 du nouvel arrêté ministériel souligne que «les points concernant le contrôle électronique de stabilité (ESC, ESB) et les deux airbags latéraux cités au niveau de l’article 23 du cahier des charges fixant les conditions et modalités d’exercice de l’activité des concessionnaires de véhicules automobiles, remorques et semi-remorques neufs (...) sont supprimés». Autrement dit, les véhicules neufs importés et équipés de deux airbags sont désormais autorisés.
De même pour ce qui est de l’ESC et de l’ESB qui ne sont plus exigés. L’autre modification est celle qui a trait aux véhicules bloqués depuis des semaines dans certains ports, car ne répondant pas au précédent cahier des charges, mais ayant fait l’objet de domiciliation bancaire avant sa publication. Le nouvel arrêté ministériel précise, dans son article 2, en effet que «les véhicules neufs dont les opérations d’importation ont fait l’objet d’une domiciliation bancaire avant le 15 avril, ne sont pas concernés par les dispositions de l’article 23 du cahier des charges prévues à l’article 3 ci-dessous». Ce qui permettra ainsi, au grand soulagement des concessionnaires automobiles, de débloquer la situation de milliers de véhicules en souffrance dans les ports d’Algérie. Les concessionnaires pourront ainsi écouler, dans les prochains jours, leurs stocks.
Dès son application le 23 mars dernier, l’arrêté ministériel fixant le cahier des charges relatif aux conditions d’exercice de l’activité de concessionnaire de véhicule avait causé beaucoup de dommage aux prestataires. Au point où ils avaient demandé l’arbitrage du gouvernement. L’Association des concessionnaires automobiles, l’AC2A, avait même jugé «irréalistes» certaines dispositions liées aux équipements de sécurité.
Entre temps, après la signature le 23 mars de l’arrêté et sa publication, certains concessionnaires avaient domicilié massivement des opérations d’importation de véhicules pour contourner les nouvelles normes de sécurité. Ce qui a fait réagir le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui avait adressé une note aux banques pour suspendre les domiciliations bancaires au profit des concessionnaires. Dans cette note, envoyée le 23 avril au ministre des Finances et au gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Sellal s’est insurgé contre des concessionnaires «voulant contourner la nouvelle réglementation» qui fixe les conditions d’exercice du métier de distributeur automobile.
«Il a été porté à la connaissance du Premier ministre que dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif réglementaire régissant l’activité de concessionnaire de véhicules neufs, certains concessionnaires, filiales de constructeurs étrangers, avec la complicité de banques étrangères privées, ont procédé à des domiciliations bancaires d’importation durant la période allant du 23 mars au 9 avril 2015, de volumes de véhicules sans rapport avec la moyenne enregistrée pour la même période de 2014 évaluée à 613 millions d’euros», écrit M. Sellal dans sa note.
Mais voilà trois semaines après cette offensive du Premier ministre, à la lecture de l’article 2 du nouvel arrêté, le gouvernement semble céder aux concessionnaires, ceux notamment ayant opéré des domiciliations massives.
Les concessionnaires ont eu finalement gain de cause !
Rabah Beldjenna