Actualité | jeudi 17 mai 2012
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Actualité
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Terrorisme et contrebande
Tamanrasset plombée par l’insécurité
le 17.05.12 | 10h00
Samedi 3 mars 2012. Attentat dans le Sahara. Tamanrasset, à 2000 kilomètres au sud d’Alger, est tirée brusquement de sa torpeur millénaire.
Tamanrasset.
De notre envoyé spécial
Un attentat kamikaze, 180 kilos de TNT, viennent de souffler les bâtiments du groupement de gendarmerie faisant une vingtaine de blessés parmi les gendarmes, pompiers et passants et tuant les deux kamikazes (maliens), chair à canon du très mystérieux groupuscule terroriste : le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest, commanditaire de l’attentat. Porte sud des champs gaziers et pétroliers, ville garnison (EM de la 6e Région militaire), propulsée (en 2010) en première ligne de la lutte contre le terrorisme au Sahel (elle abrite le quartier général du Cemoc, le centre d’état-major commun opérationnel conjoint des armées des pays du champ), Tamenghest paie le prix fort de sa proximité avec le baril de poudre sahélo-saharien.
Plus d’un mois après, la vapeur de psychose écume l’air ; l’incompréhension, l’incertitude quant à l’avenir tancent la ville la plus cosmopolite du Sud algérien. Plus de 100 000 habitants, une superficie représentant le quart de l’Algérie ; une cinquantaine de nationalités différentes, les 48 wilayas présentes. Epargnée par une décennie de guerre civile, l’ancienne oasis, devenue trop vite métropole, découvre le terrorisme. Les nouvelles provenant de l’extrême «sud» sont par ailleurs tout autant explosives.
Le 6 avril, quelque part dans l’espace Azawad. Une bombe à fragmentation fait perdre au Mali son nord : le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, après 50 ans de luttes politique et armée, proclame officiellement la sécession de la République du Mali et donne naissance au premier Etat touareg dans la sous-région. Ici, la nouvelle a sonné le tocsin, réveillé les vieux démons de la division et ajoute à la crispation ambiante dans toute la région. Le lendemain, 7 avril, le Premier ministre et SG du RND, Ahmed Ouyahia, se rend dare-dare sur les lieux, échaudé aussi par les velléités de boycott des prochaines élections agitées par une aile de son parti à Tamanrasset, mécontente de la présence sur la liste d’un contrebandier notoire dont le frère est député au… Niger.
Ouyahia s’emmêle les casquettes, promet des logements (16 000 unités), des investissements (création de dizaines de sociétés publiques), de l’emploi et surtout flatte l’ego des autochtones, loue l’esprit «nationaliste» des Touareg Ahaggar. «Jamais dans l’histoire de l’Ahaggar on n’a parlé ni d’abstention ni de boycott. Les Touareg sont de vrais nationalistes et leur défunt chef spirituel, L’hadj Moussa Ag Akhamokh, en a été l’exemple», déclarait lors de son meeting le PM. Akhamokh avait décliné l’offre du général de Gaulle portant partition de l’Algérie entre Nord et Sud.
A l’aéroport, les policiers sont plus nerveux que d’ordinaire. Les gringos, suspects potentiels, passent à la trappe. Fouille tactile. Sur les six kilomètres qui séparent l’aéroport Aguenar- Akhamokh, deux nouveaux points de contrôle de la gendarmerie ont été installés. Les contrôles de police ont également été renforcés sur tous les axes routiers menant de/ou vers Tamanrasset. Faute de place dans les célibatoriums, les renforts de police ont été casés dans l’auberge des jeunes de Tahaggart. La ville somnole le jour, s’ennuie à la tombée de la nuit. L’unique salle de cinéma est fermée depuis des lustres, le théâtre communal aussi.
La bibliothèque municipale est en construction et la maison de la culture est devenue une annexe de la maison de l’artisanat : que des foires et des expositions !
A Tam, dans sa demeure aux portes toujours ouvertes, un chef spirituel, l’amenokal des Touareg Ahaggar, égraine son chapelet d’inquiétude. Ahmed Edaber, cousin de Hadj Moussa Ag Akhamokh, l’amenokal décédé en 2006, n’aime pas l’air vicié qu’inhale à pleins poumons sa ville. «Après l’attentat (du 3 mars contre le groupement de la gendarmerie), nous avons tenu une réunion avec les notables et chefs de tribu et avons saisi officiellement le ministre de l’Intérieur, et avons demandé au président de la République d’assurer la sécurité et la quiétude et de contrôler ces va-et-vient incessants.»
Edaber, après trois mandats de député (RND) - «postes officiels» qui lui vaudront une perte sèche de crédit auprès des Touareg, notamment auprès de jeunes - renonce à briguer un autre mandat, veut redevenir amenokal plein et se retire de la politique. «C’est un choix pour l’Algérie, atteste-t-il, mûrement réfléchi, dicté par les nouvelles donnes et le caractère sensible de la fonction d’amenokal qui ne s’accommode pas de chapelles politiques.» Après 30 ans passés à explorer l’univers du Grand Sud, Marzouk, ingénieur en électronique, le plus amashaq (targui) des Kabyles de Tamanrasset - les dialectes malien, nigérien et algérien du Tamashaq n’ont plus de secrets pour lui - dit ne plus «reconnaître sa ville», la capitale des Kel Ahaggar, tant celle-ci a changé : explosion démographique, expansion anarchique, montée de l’insécurité, contrebande d’armes, drogues, prostitution, sida, terrorisme... Tamanrasset et son oued éponyme n’ont rien d’un long fleuve tranquille.
La ville grandit à vue d’œil : infrastructures routières, zones d’expansion urbaine, touristique, une prometteuse zone industrielle, des équipements publics à l’architecture sans nom, poussent tels des champignons. Ici, l’Etat a dépensé sans compter, fait travailler une main-d’œuvre, étrangère et nationale, par dizaines de milliers. Mais plus que l’argent, l’eau a changé le visage de la ville. Des haciendas avec piscine font leur apparition dans les beaux quartiers ; des jardins fleurissent ; l’agriculture saharienne est promise à un bel avenir.
Projet pharaonique (3 milliards de dollars) l’eau, acheminée du bas In Salah par plus de 1200 km de canalisations, a certes déserté la stèle d’Ilaman - jet d’eau situé au centre-ville et inauguré récemment par Bouteflika - mais elle est là, modérément salée, irrigue les veines asséchées d’une partie de l’agglomération. Néanmoins, Tamanrasset doit encore attendre pour étancher complètement sa soif millénaire, faute… de réseau de distribution aux normes et de stations de déminéralisation. Le chantier devrait, d’après des responsables, être lancé «très prochainement».
Mohand Aziri
Le tourisme : la mort programmée
le 17.05.12 | 10h00
La détérioration du climat sécuritaire a lourdement impacté sur la vie à Tam : les commerces ferment tôt et l’économie tourne au ralenti.
Pour le «tourisme saharien», c’est carrément le coup de grâce. Pas de visa pour les touristes étrangers depuis décembre 2010 ; des sites et circuits touristiques, parmi les plus visités, dont le Tassili n’Ajjer, sont officiellement fermés. «C’est encore zéro touriste cette année !», peste Mohamed Solah, vice-président de l’association des tours-opérateurs. Plus de la moitié des agences ont mis la clé sous le paillasson, 150 selon lui, faute d’activité. A l’Office national du tourisme (ONAT), on s’interroge et on compte ses dettes accumulées pendant six mois de travail sans salaire. «Je ne peux pas croire que cette situation est le fait du hasard, s’indigne un commercial.
Nous commencions vraiment à faire des projets, à reprendre le terrain perdu et l’office allait même renouveler son parc auto pour rivaliser avec la concurrence mais… c’est foutu. C’est un complot… peut-être que ce sont les Libyens qui sont derrière.» Délire paranoïaque ? La peur des kidnappings, des bandes armées et autres groupuscules fondamentalistes qui écument le Sahara frappe d’hypocinésie nombre de secteurs d’activité. Même le Parc national du Hoggar (OPNA) a dû stopper net ses travaux d’inventaire des sites archéologiques, avoue Ahmed Aouali, le nouveau directeur de l’OPNA.
Mohand Aziri
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