Actualités : HUITIÈME
JOUR DE GRÈVE DE LA SNVI ET DE LA ZONE INDUSTRIELLE DE
ROUIBA Bon moral et forte
détermination
Au huitième jour de la grève
illimitée déclenchée le 3 janvier dernier et des marches qu’organisent
quotidiennement des milliers de travailleurs de la zone industrielle de Rouiba,
il y a comme un malaise qui plane.
Et l’on ne peut que s’en inquiéter. Y
a-t-il une autorité pour écouter ces protestataires et apporter des réponses à
leur angoisse et à leurs doléances ? Depuis huit jours, les travailleurs n’ont
en face d’eux qu’une immense armada répressive, composée de centaines de
policiers et de gendarmes lourdement équipés et dotés de plusieurs engins
anti-émeute. Pourtant, les visages que nous découvrons depuis huit jours ne sont
que ceux de pères de famille terrassés par des difficultés au quotidien. «Nous
ne défendons pas un parti politique ou une idéologie. Nous demandons tout
simplement nos droits en tant que travailleurs. » Ce ne sont donc pas des
émeutiers qui ont des problèmes politiques à régler. Leurs doléances, qui
concernent également tous les travailleurs algériens, quel que soit le secteur
d’activité, nécessitent la présence d’interlocuteurs et un débat serein.
Peuvent-ils dialoguer avec des brigades anti-émeute surarmées et qui se
renforcent de jour en jour ? En effet, hier, des escouades de gendarmes et de
policiers ont été appelées en renfort. Elles ont été installées à l’entrée ouest
de la ville de Réghaïa, à hauteur de l’une des unités d’Anabib, dont les
travailleurs sont également en grève illimitée. Qu’à cela ne tienne ! Aucune
menace ne détournera les protestataires, dont la mobilisation augmente de jour
en jour, avec pour objectif de marcher pacifiquement vers la ville de Rouiba.
Bien organisés, les travailleurs de la SNVI, majoritaires dans ces marches,
enfilent leurs tenues de travail et se rassemblent chaque matin, depuis le 3
janvier dernier, devant l’entrée principale, pour rejoindre la RN 5 afin de
prendre la direction de la ville de Rouiba. Cela a été le cas hier. Comme à
chaque fois, ils ont parcouru quelques centaines de mètres, avant de se
retrouver face au barrage des gendarmes et de quatre engins anti-émeute. Plus
loin, un groupe de gendarmes empêchait les travailleurs de la Tameg de rejoindre
la marche. Et un autre surveillait les travailleurs de la Cammo. Dans la foule,
un manifestant nous accoste : « Vous êtes avec nous depuis le début. Selon vous,
combien de milliards de dinars le Trésor public déboursera-t-il pour la
mobilisation de cette armée venue nous faire la guerre, alors que nous n’avons
que nos mains et nos bleus de travail à opposer ? Dire que la délinquance et la
corruption font des ravages dans le pays !» Ainsi, toute la zone industrielle
est complètement paralysée. Devant les gendarmes, les manifestants scandent
leurs slogans : « Zidouna fe souma ! La retraite à 50 ans !» (Augmentez nos
salaires, la retraite à 50 ans) ; «Zidouna fe souma, erfaa rassek ya Ba !»
(Augmentez nos salaires ! Lève la tête, père) ; «Ulach smah ulach !» (Pas de
pardon). Questionnés pour savoir pourquoi ils scandent des slogans en faveur de
l’équipe du Malawi, qui a sévèrement battu les Verts, ils répondent unanimement
: «Ils (les pouvoirs publics ndlr) donnent des milliards à l’Equipe nationale et
ils laissent le peuple dans la misère. » Et de reprennent en chœur : «Avava
inouva. J’ai peur de l’ogre de la forêt.» Une chanson d’Idir pour signifier que
la misère sociale dans ce pays les rend anxieux. Une autre manœuvre de
la Centrale Tous ceux que nous avons interrogés sur ce qu’ils pensent
de la récente réunion de la Fédération Mines, Mécanique et Electronique, pour
étudier les problèmes posés, disent que c’est simplement du bluff. Sur ce,
surgit Benmouloud, le secrétaire général du syndicat de l’entreprise SNVI, à qui
nous posons la même question. Pour toute réponse, il rétorquera par une autre
question : «Vous savez qui est le secrétaire général par intérim de cette
fédération ? C’est moi ! Et ils se sont réunis sans la présence du secrétaire
général par intérim.» Puis il nous remettra la copie d’un communiqué daté du 10
janvier, qui serait rendu public à l’issue de cette réunion présidée par
Sidi-Saïd. Sur son contenu, M. Benmouloud estime qu’il n’y a rien. Dans ce
communiqué, portant sur trois points, les conclavistes demandent au secrétaire
général de l’UGTA d’accélérer les demandes de négociations salariales avec les
Sociétés de participation de l’Etat (CPE). Ils invitent la Centrale à redoubler
d’efforts pour l’assainissement financier des entreprises du secteur. Ils
demandent, en outre, aux syndicats des entreprises de tenir informée la
Fédération, notamment sur le dossier de la retraite anticipée. Lu entre les
lignes, le communiqué laisse entrevoir que la Fédération est dans l’impasse.
Elle ne peut, par conséquent, rien proposer de concret aux grévistes. Pour
l’heure, dépassée par les événements, la Centrale de l’UGTA, faute de
propositions pouvant la rapprocher de sa base, se lance dans des manœuvres qui
ne manquent pas de provoquer l’ire des grévistes. «Il y a un mur entre nous et
la direction», estime un agent de la SNVI. Plus radical, un autre clame :
«Sidi-Saïd s’est fourvoyé dans le dossier Khalifa, avec l’argent des
travailleurs. Le pouvoir le tient avec des dossiers et l’oblige à brader les
droits des travailleurs.» Bon moral et forte
détermination «Le train est en marche. Nous ne reviendrons pas, huit
jours après, en arrière. Vous avez vu, hier ? Nous avons bravé la pluie et le
froid glacial pour poursuivre notre lutte pacifique, pour nos droits.» Plus que
jamais, la détermination est forte. C’est le constat que fait un observateur, au
milieu de la foule. Ceux qui ont fait des calculs se basant sur l’usure et la
fatigue des grévistes font, sans aucun doute, fausse route. «C’est la volonté
des travailleurs, que de poursuivre notre action. Cette décision a été prise ce
matin, à la suite d’un vote. Dieu merci, le moral est bon !», dira M.
Benmouloud. «Nous sommes en train de réveiller la conscience des travailleurs
algériens. Nous leur disons que les lois ne concernent pas exclusivement les
travailleurs de la zone industrielle de Rouiba. Elles s’appliquent partout en
Algérie», clameront des marcheurs. «Nous avons reçu un grand nombre de soutiens,
de la part des travailleurs des autres wilayas. Mais dans cette conjoncture, le
papier ne suffit pas. Nous avons besoin d’hommes sur le terrain», dira, de son
coté, Benmouloud avant de conclure : «De toutes les façons, nous comptons sur
nous-mêmes pour faire aboutir nos revendications.» Abachi
L. Rectificatif Dans
l’article paru dans notre édition d’hier, intitulé «La rumeur distillée pour
discréditer la protesta», une erreur technique, pouvant susciter une certaine
confusion, s’est malencontreusement glissée dans le texte. Il fallait lire :
«(…) Elle a renforcé la détermination des protestataires et ressoudé leur
cohésion avec leurs représentants locaux. Ces derniers, après des
tergiversations de départ, ont fini par choisir leur camp : celui du courage et
des remises en cause d’un système rentier aveuglé par les directives du
pouvoir.» Abachi
L.
|