“Moi ou Ben Laden”, crie Kadhafi en direction de l’Occident, comme en écho au “Bouteflika ou les talibans” de Sarkozy. Au moment où l’étau des insurgés, à l’intérieur, et de la menace d’intervention et du CPI, à l’extérieur, se resserre autour de lui, il rappelle son utilité stratégique à ses voisins européens : s’il n’est pas vite sauvé, le pétrole va s’arrêter de couler vers l’Italie et les vagues d’immigrants subsahariens vont déferler sur la rive nord de la Méditerranée. Le “guide” brandit ainsi l’ultime argument, celui qui, en dehors de sa période terroriste, l’a toujours légitimé auprès du “monde libre” : sa fonction de digue contre le terrorisme islamiste et l’immigration clandestine, et l’assurance d’un approvisionnement stable en hydrocarbures. Cette collusion stratégique procurait, et procure toujours, la légitimité internationale octroyée par les puissances partenaires à des dictateurs qui peuvent ainsi se dispenser de la légitimité populaire locale. Souvent, ces régimes ont été installés, ouvertement ou par manœuvre, par les anciennes puissances occupantes. Des révélations sont faites sur le rôle de la France, en accord avec l’égypte de Nasser, dans la désignation de Ben Bella à la tête de l’Algérie nouvellement “indépendante”. La “stabilité”, hissée au rang de valeur par la pratique des relations internationales “post-coloniales”, a pour finalité d’assurer la quiétude et la sécurité des frontières et des voies maritimes et terrestres propices aux échanges dans le nouvel ordre politique conçu comme ordre “commercial”. Un ordre conçu comme un troc entre producteur industriel et consommateur rentier, entre cerveau et estomac. Ressources naturelles contre produits manufacturés. Elle est si précieuse pour la “communauté internationale”, la “stabilité” de ces régimes qui, dans leur diversité statutaire, partagent la mission de maîtriser leurs populations. Celles-ci sont brutalement maintenues à la place qui leur est désignée dans la division internationale du travail. Ces régimes sont le prolongement, au sens anthropologique, l’outil nécessaire de l’ordre mondial néocolonial. Les bousculer, c’est bousculer cet ordre. Ce qui explique qu’en plus de fermer les yeux sur les exactions et crimes des dictateurs, les pays des droits de l’Homme les approvisionnent sans réserve en armes et moyens de répression, pendant qu’ils développent toute leur vigilance quand il s’agit de l’armement des peuples et mouvement qui, comme la Palestine ou le Sahara occidental, luttent encore pour leur indépendance formelle. Le temps mis à y parvenir ne devrait pas nous tromper : ce qu’on appelle “la révolution arabe” n’est que le début du parachèvement du processus de décolonisation de cette aire géographique. Comme le disent, l’un après l’autre, les dirigeants de ces pays, “l’Algérie n’est pas la Libye” qui “n’est pas l’égypte” qui “n’est pas la Tunisie”… Mais tous, et chacun à sa manière, devraient passer par cette étape complémentaire de leur décolonisation. Et déposer ces régimes tampons qui, depuis un demi-siècle, se justifient de protéger leurs puissances marraines contre leur population perçue comme un danger et de permettre aux ex-métropoles de poursuivre le pillage de leurs ressources.
M. H. musthammouche@yahoo.fr www.liberte-algerie.com
Edition du Lundi 07 Mars 2011
Le feu couve même chez les wahhabites
Contagion révolutionnaire dans les pétromonarchies du Golfe
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À Bahreïn, le vent de la révolte souffle depuis trois semaines. Oman est sur ses traces, tandis que l’Arabie Saoudite est gagnée par ses premiers frémissements. La vague de manifestants hostiles au gouvernement et à la monarchie de Bahreïn n’arrête pas de secouer cette île en face de l’Iran et frontalière de l’Arabie Saoudite. Dorénavant, les manifestants scandent des slogans hostiles à la dynastie sunnite des Al-Khalifa, au pouvoir depuis plus de 200 ans. Et s’il vous plaît, des femmes sont de plus en plus nombreuses à s’investir dans la contestation ! Ce qui était considéré comme hérétique, il y a à peine un mois. On a vu vendredi des centaines de femmes déposer des roses sur la place Perle, qui est aux Bahreïnis ce que la place Tahrir est aux Égyptiens. La majorité chiite, qui représente 70% de la population, mène le mouvement de contestation, se plaignant de discriminations de la part du régime. Ici aussi le régime s’est mis à l’heure des baltagia. On assiste, parallèlement à la répression policière, a des affrontements entre chiites et sunnites comme dans la ville de banlieue d'Hamad Town, à 15 km à l'ouest de Manama, jeudi dernier. Les chefs de la résistance chiites évoquent des attaques menées par des Bahreïnis sunnites d'origine étrangère armés de couteaux, bouteilles et chaînes. Et la police ne fait rien pour protéger les manifestants. La monarchie propose l'ouverture d'un dialogue. Une coalition de l'opposition a accepté jeudi que se tiennent des réunions, mais aucune date n'a été fixée pour l'ouverture de discussions. Le gros des manifestants continuent à réclamer le départ du Premier ministre et du reste du gouvernement. Ils demandent également une transformation du système politique en monarchie constitutionnelle. Le bras de fer se poursuit. Le mouvement a l’air de prendre également à Oman où le sultan a donné de nouveaux gages aux manifestants. Après les manifestations qui ont secoué le royaume ces derniers jours, le sultan Qabous, qui depuis 40 ans tient le royaume d'Oman d’une main de fer, a renvoyé samedi deux de ses ministres. Il fait ainsi de nouvelles concessions après avoir annoncé, il y a une semaine, une série de mesures destinées à calmer l’agitation dans le pays. À Mascate, capitale du sultanat, ou à Sohar, seconde ville du pays, l'une des revendications des manifestants, depuis plusieurs jours, était la mise à l'écart des ministres soupçonnés de corruption. Ce samedi, ce sont les ministres du Cabinet royal et des Affaires du palais qui ont été remerciés. Le souverain d'Oman tient manifestement à endiguer les manifestations aussi rares qu'inattendues dans ce pays réputé calme. Face à lui, de nombreux jeunes, souvent diplômés, touchés par le chômage, et qui n'ont pas l'intention de s'en tenir là. Adeptes des réseaux sociaux sur internet, ils suivent avec intérêt les événements en Tunisie ou en Égypte, ou, plus près d'eux, à Bahreïn, en Arabie saoudite et au Yémen. Pour l’instant, les manifestants n'ont jamais réclamé le départ de Qabous. Rien n’est moins sûr avec la vague contestataire qui souffle sur le Golfe et où la revendication de monarchies constitutionnelles prend le pas. L’Arabie Saoudite, le grand parrain du Golfe, n’est pas en reste. Frémissements de révolte aussi chez les wahhabites. Des manifestants brandissant des portraits de prisonniers, réclamant leur libération et des ouvertures politique, impensable dans ce pays forteresse. La révolte dans le monde arabe gagne timidement le pays. Vendredi, des centaines de personnes ont manifesté dans l'est du pays, à majorité chiite, et ici encore, un tabou est tombé : des femmes ont pris part à la manifestation. De quoi faire trembler les docteurs du wahhabisme. Des manifestants qui réclament l'instauration d'une monarchie constitutionnelle en lieu et place d'une monarchie absolue. De quoi donner également des sueurs à la famille royale. Malgré plusieurs concessions du régime au cours de 30 dernières années, retour des opposants politiques en exil, libération des prisonniers, les chiites continuent d'être traités comme des citoyens de seconde zone. Alors qu'ils vivent à proximité des puits de pétrole, leur région à toujours été tenue à l'écart du développement économique. Les hôpitaux, écoles et services essentiels font toujours défaut dans les régions où ils sont parqués. Les chiites n'ont toujours pas le droit d'édifier de mausolée pour commémorer l'imam Hussein ! Encouragés par les manifestations de chiites dans le royaume de Bahreïn, juste de l'autre côté de la frontière orientale, les chiites ont lancé un nouvel appel à manifester le 11 mars prochain, rendez-vous déjà qualifié de journée de la colère. Mais il n’y a pas que les chiites à manifester. Les Saoudiens sunnites veulent aussi accéder aux libertés de la démocratie.
Edition du Lundi 07 Mars 2011
La CNCD va encore réinvestir la rue samedi
Elle a fait hier l’évaluation des dernières marches empêchées
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Un habitant du quartier de Salembier, présent à la réunion, assure que beaucoup de baltaguia ont reçu des sommes de 4 000 DA et d’autres des promesses de logement pour aller “agresser Saïd Sadi et crier RCD hizb frança”.
Guère découragée par le sort réservé par les autorités, samedi à Alger, à ses trois marches, la Coordination pour le changement et la démocratie (CNCD) ne renonce pas à l’idée de manifester dans la capitale. à l’issue d’une réunion de plus de deux heures, hier au siège du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD), à Alger, les membres de la Coordination se sont mis d’accord pour organiser une marche, à Alger, samedi prochain. Comme celle du 12 février, elle démarrera de la place du 1er-Mai vers la place des Martyrs. Pour les membres de la CNCD, le bilan des précédentes actions est globalement positif même s’ils ont convenu de l’existence de certaines carences organisationnelles. “C’est un miracle que de rester cinq minutes sur place dans un environnement aussi hostile”, relève une militante du PLD. “Personnellement, je suis satisfait de la mobilisation de samedi. Ma conviction est que ce qui fait peur au pouvoir, ce n’est pas la marche, mais la coordination qui se présente comme alternative”, estime Moulay Chentouf, responsable de ce parti. “Nous devons mieux affiner notre tactique et notre stratégie pour réussir nos actions à venir”, a soutenu un représentant des étudiants des wilayas du centre du pays. Agression subie par Saïd Sadi oblige, le phénomène des baltaguia a été longuement discuté et l’idée de se faire protéger contre des jeunes désœuvrés s’est imposée. “à Aïn Benian, nous avons parlé avec leurs familles. On les a averties que la prochaine fois, on ne se laissera pas faire”, assure Hamid Farhi, du Mouvement citoyen. “Il est hors de question qu’on redescende dans la rue pour se faire taper dessus. Nous devons trouver un moyen pour nous protéger”, s’écrie Omar Abed, victime de l’affaire de la banque Khalifa. Un habitant du quartier de Salembier, présent à la réunion, assure que beaucoup de baltaguia ont reçu des sommes de 4 000 DA et d’autres des promesses de logement pour aller “agresser Saïd Sadi et crier RCD hizb frança”. “Celui qui est venu agresser Sadi avec un couteau est un policier en civil”, accuse un autre intervenant présent au moment de l’agression. “Nous devons continuer à marcher, mais nous devons savoir que la police deviendra de plus en plus répressive. Nos jeunes doivent être en ordre de bataille pour défendre les femmes, les jeunes filles mais aussi les hommes politiques”, plaide Me Ali Yahia. Présent à la réunion, Saïd Sadi est du même avis qu’ Ali Yahia Abdenour, à savoir que la police se fera plus répressive à l’avenir. Son analyse : “Pour l’instant, la répression est triple : la désinformation à laquelle s’adonnent 98% de la presse algérienne qui a sombré dans un déchaînement de violence qui confine à un appel au meurtre. Les deux autres tenailles de la machine répressive, ce sont la police et les baltaguia.” Sur proposition de Me Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la Laddh, d’autres marches seront organisées au niveau national le 19 mars prochain, anniversaire du cessez-le feu entre le GPRA et le gouvernement français, pour réaliser la “décolonisation interne”. Autre décision prise : investir, dès aujourd’hui, les quartiers d’Alger pour mener un travail de sensibilisation auprès des citoyens. Des affichettes seront distribuées et l’idée de rédiger une déclaration destinée au peuple algérien pour lui expliquer le combat de la CNCD est aussi retenue.
La marche de la liberté
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Edition du Lundi 07 Mars 2011
La contre-offensive de Kadhafi
SES FORCES BOMBARDENT LES INSURGÉS
Par : Merzak Tigrine
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Mouammar Kadhafi ne lâche pas prise face à l’opposition, qu’il veut écraser par tous les moyens, comme le montre la multiplication des raids aériens et des offensives des chars, tirant des obus contre les positions des insurgés, à Ras Lanouf, Misrata et Tobrouk.
Se déclarant, d’un côté, favorable à l'envoi d'une commission d'enquête “des Nations unies ou de l'Union africaine” pour évaluer la situation, le chef de l’État libyen lance, d’un autre, sa contre-offensive avec des bombardements aériens et une pluie d’obus de chars sur les rebelles dans plusieurs villes. Dans une interview accordée à l'hebdomadaire français le Journal du Dimanche, le colonel Kadhafi a affirmé que “des milliers de gens iraient envahir l'Europe depuis la Libye”. “Oussama Ben Laden viendra s'installer en Afrique du Nord (...) Vous aurez Ben Laden à vos portes”, a-t-il notamment lancé en direction de l’Union européenne. Sur le terrain, le régime libyen tentait hier de reprendre la situation en main au vingtième jour d'insurrection, tout en affirmant avoir repris plusieurs villes. Ainsi, la révolte qui a débuté le 15 février prend désormais des allures de guerre civile. La télévision d'État libyenne a affirmé avoir repris le contrôle de Ras Lanouf, ville pétrolière de Tobrouk dans l'Est, ainsi que de Misrata, la troisième ville du pays dans l'Ouest. Mais les insurgés ont immédiatement contesté la reprise de ces trois villes. Selon des journalistes de l'AFP sur place et les insurgés, Ras Lanouf était ainsi toujours contrôlée hier matin par ces derniers. Les insurgés ont dû se résigner à se retirer de Ben Jawad après des combats avec les forces pro-Kadhafi, affirmant que Ras Lanouf serait leur “ligne de défense”. Un habitant de Misrata, à l'est de Tripoli, a indiqué que des chars tiraient des obus dans le centre de la ville. En effet, des forces fidèles au colonel Kadhafi menaient hier une offensive à l'arme lourde à Misrata, où des chars tiraient des obus sur le centre de la ville contrôlée par l'insurrection. “Les chars tirent des obus sur le centre de la ville, près du siège de la radio. Nous entendons aussi des tirs nourris d'armes automatiques”, a déclaré cet habitant sous couvert de l'anonymat, avant de lancer un SOS en direction de la communauté internationale : “Les habitants n'ont pas d'armes. Si la communauté internationale n'intervient pas rapidement, ce sera le carnage.” Dans le même temps à Tripoli, le régime a orchestré une manifestation de soutien au colonel Kadhafi pour proclamer la “victoire du guide de la révolution”, soldats, policiers et miliciens tirant en l'air en signe de joie. “Ce sont des tirs de joie parce que nous sommes en train de battre El-Qaïda. Nous avons gagné, El-Qaïda est partie”, a déclaré un soldat, des Ray Ban sur le nez. Sur la place Verte, dans le centre, 4 000 à 5 000 personnes pro-Kadhafi étaient également rassemblés en manifestation “spontanée”. Sur le plan politique, les insurgés s'organisaient en entamant les activités du Conseil national, lequel s’est réuni samedi et s'est déclaré “le seul représentant de la Libye”. Il a chargé Omar El-Hariri des “Affaires militaires” et confié à Ali Abdelaziz El-Issaoui, ambassadeur démissionnaire en Inde et ancien ministre de l'Économie, les Affaires étrangères. Il a également désigné Mahmoud Jibril Ibrahim El-Wourfalli à la tête d'une “équipe exécutive pour gérer la crise”, également chargée des relations étrangères et de représenter la Libye. Réagissant à cela, la France “salue la création du Conseil national libyen” et “apporte son soutien aux principes qui l'animent et aux objectifs qu'il s'assigne”, a annoncé hier le ministère français des Affaires étrangères. Plus engagée, la Grande-Bretagne a confirmé hier, par la voix de son ministre de la Défense, Liam Fox, qu’“une petite équipe diplomatique” britannique se trouvait à Benghazi, mais a refusé de commenter des informations selon lesquelles un diplomate serait détenu par des insurgés dans cette ville.
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Edition du Lundi 07 Mars 2011
Nouvelle grève des cheminots
Les trains de la banlieue d’Alger n’ont pas sifflé hier
Par : MALIKA BEN
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Le transport ferroviaire a été paralysé, hier, tôt dans la matinée, par un mouvement de grève qui n’a touché finalement que les gares d’Alger, mais qui a provoqué, par ricochet, l’arrêt des gares qui devaient être desservies par des trains dont le départ était prévu d’Alger. Le débrayage a contraint les nombreux usagers à se rabattre sur d’autres moyens de locomotion. Beaucoup d’abonnés de la SNTF n’étaient pas informés de ce mouvement de grève. D’autant que ce débrayage “surprise” a provoqué la paralysie plus de 60% du trafic ferroviaire. Nous parlons de débrayage “surprise” car, il y a quelques jours, les sections syndicales des travailleurs de la SNTF se sont mises d’accord pour lancer une grève nationale illimitée si la direction générale de l’entreprise ne donne pas satisfaction aux revendications négociées deux semaines auparavant. L’ultimatum des syndicalistes à leur direction générale a expiré hier, sans que les deux parties, qui s’étaient réunies la veille, arrivent à un accord. “Nous nous sommes réunis samedi avec le directeur général de la SNTF, mais comme les négociations n’ont pas abouti à du concret, nous nous sommes mis d’accord pour mettre à exécution notre menace de grève nationale illimitée”, raconte un des syndicalistes. Et d’ajouter que “la tutelle a finalement intervenu et nous a contactés pour nous convier à une réunion lundi. Nous avons alors jugé plus raisonnable de surseoir à cette action”. N’étant pas à un jour près, les syndicalistes ont donc décidé d’attendre la tenue de la réunion avec les responsables de la tutelle avant de se prononcer sur la suite à donner au mouvement. “Nous devions aller à la réunion et voir les propositions du ministère de tutelle. Si nos revendications sont prises en charge, on oublie le débrayage. Et, dans le cas contraire, on lance le mouvement le jour même.” Mais, contre toute attente, les travailleurs du dépôt d’Alger, c’est-à-dire les conducteurs de train, ont donné une autre tournure aux évènements. Ils ont, de leur côté, opté pour l’exécution en solo de la menace lancée par les sections syndicales de la SNTF.
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