La face cachée de Rachida Dati
Eric Pelletier et Jean-Marie Pontaut
LEXPRESS.fr du 25/10/2007 Rachida DatiLa face cachée de Rachida Datipar Eric Pelletier et Jean-Marie PontautLa ministre de la Justice est aujourd'hui une star de la galaxie Sarkozy. Mais cette ascension est le fruit d'un parcours aussi atypique que méconnu. Famille, réseaux, études, politique: contre-enquête sur une réussite balzacienne, avec ses ombres et ses lumières.
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Sa famille
Les Dati débarquent d'Algérie au début des années 1960, à Gergy, un bourg de Saône- et-Loire. Le père, Mbarek, paterfamilias sévère et conservateur, offre à ses enfants des études dans un collège catholique privé, le bien nommé Le Devoir. En retour, il exige discipline et excellence. S'ils ne regagnent pas l'appartement HLM de la cité du Stade, à Chalon-sur-Saône, avant 20 heures, les garçons doivent se débrouiller pour trouver de quoi passer la nuit, un banc ou une banquette de voiture. Ce carcan devient vite insupportable à l'un des jeunes frères, Jamal, qui dévisse et tombe dans le ravin de la dope. Au contraire, Rachida, comme la plupart des 12 enfants, puise dans cette sévérité paternelle les racines de sa réussite. Durant l'émission Vivement dimanche consacrée à la garde des Sceaux, le 7 octobre, Michel Drucker note l'attention soutenue du patriarche dans le public: «On avait l'impression qu'elle passait un véritable examen, a expliqué l'animateur sur RTL. On sent le poids de cet homme qui a dirigé sa famille d'une main de fer avec succès [...]. ça m'a rappelé la présence physique et silencieuse de M. Zidane face à son fils.» Ils allaient chercher l'eau au puitsUne habitante de Gergy (Saône-et-Loire) se souvient de l'arrivée des Dati, avant la naissance de Rachida. Au collège, la petite Rachida ne passe pas inaperçue. Du roseau elle n'a que l'allure. Déjà, elle préfère rompre plutôt que plier: née le 27 novembre 1965, à 15 h 30 précises, elle affiche le caractère entier d'un Sagittaire. Christian Morin, le directeur du Devoir, se souvient d'une écolière attachante, «curieuse de tout, bosseuse, un peu meneuse, qui avait soif de connaissances et de reconnaissance». La mère, Fatim-Zohra, qui élève sans faillir les enfants, reste un modèle absolu d'amour et d'abnégation aux yeux de Rachida, qui souffre encore du vide laissé par son décès, voilà six ans. «La famille? Rachida y fait sans arrêt référence. C'est même un trait structurant de sa personnalité, souligne une amie de longue date. Elle a toujours mis un point d'honneur à ce que chacun réussisse.» Rachida Dati s'est beaucoup impliquée, hébergeant une sœur et une nièce dans le petit appartement qu'elle occupe rue du Faubourg-Poissonnière, dans le Xe arrondissement de Paris, au milieu des années 1990. Elle reverse alors une grande partie de ses revenus pour aider la fratrie. Ce qui lui vaut d'ailleurs un sérieux problème avec le fisc en 1997. Alors qu'elle vient tout juste d'intégrer l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), elle fait l'objet d'un redressement pour avoir, de 1992 à 1994, déduit ces aides de son revenu au titre de «pensions alimentaires». L'administration exige donc un remboursement sur trois ans, d'un montant considérable par rapport à son salaire (20 000 francs par mois chez Matra, mais 9 000 depuis son entrée à l'ENM). Conseillée par ces relations qu'elle sait si bien tisser, elle obtient un étalement sur trente mois et rembourse l'intégralité de la somme. A peine a-t-elle entamé ses études supérieures que Rachida est rattrapée par un diktat familial: elle est mariée sans qu'elle le veuille à un proche de la famille. «Je ne pouvais pas refuser, confiera-t-elle à des amis. A partir de 22 ou 23 ans, les filles devaient être mariées.» Cet épisode se conclut finalement par une annulation pure et simple, pour défaut de consentement mutuel. Une procédure exceptionnelle, suivie en son temps par Me Coralie Blum et justifiée par le fait qu'elle a été longtemps harcelée par son ex-mari. Pour échapper à la pression, Rachida Dati s'installera même un temps à Londres, où elle travaille pour la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Le passage dans cette banque, de l'autre côté de la Manche, à la fin de 1992, auprès de Jacques Attali, l'ancien conseiller de François Mitterrand, tient autant de la fuite que de l'avancée d'une carrière. «Quelque chose de très personnel me lie à lui», a-t-elle révélé sur France 2. «Cette femme est faite de fidélités, résume Attali. Elle se ferait tuer pour ceux qui l'ont aidée.» Rachida Dati sort en effet de cette épreuve grâce à son entregent. Un impressionnant réseau qui, depuis des années, veille sur elle.
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3-Ses études
La rumeur a enflé pendant l'été. Elle court désormais tout Paris: la garde des Sceaux aurait usurpé ses diplômes. L'affaire est devenue tellement sensible que même le ministère de l'Intérieur a fini par s'en émouvoir. Jusqu'à présent, Rachida Dati n'a pas voulu se justifier face à ces «ragots». L'Express a enquêté sur la véracité de ses diplômes. Un seul de ses titres reste sujet à caution. En 1985, la jeune femme s'inscrit à l'université Dijon-Bourgogne, en Deug de sciences économiques. Trois ans plus tard, en juin 1988, elle est diplômée. L'un de ses profs de l'époque, Jean-Jacques Friboulet, devenu économiste de renom, enseigne à l'université suisse de Fribourg. «Je ne l'ai jamais revue, mais je l'ai immédiatement reconnue lors de sa nomination, confie-t-il à L'Express. C'était un cas d'école. A cette époque, dans mon cours sur la répartition des revenus, les enfants de la deuxième génération étaient très rares, surtout les filles. J'avais remarqué sur sa fiche qu'elle travaillait de nuit dans une clinique, mais elle ne se plaignait jamais. Elle était animée d'un vrai fighting spirit.» L'esprit de combat... A l'automne de 1988, l'étudiante s'inscrit à l'université Paris II-Panthéon-Assas, à deux pas du Luxembourg. La faculté confirme qu'elle en est sortie, en 1991, avec en poche une maîtrise de sciences économiques, option «gestion des entreprises». Peu après, Rachida Dati bénéficie, on l'a vu, d'une aide de Matra pour s'inscrire au prestigieux Institut supérieur des affaires (ISA), qui dépend du groupe HEC. Elle se présentera dans toutes ses biographies comme une «ancienne élève» de l'ISA. Ce qui est exact. Elle n'a, en revanche, jamais obtenu le diplôme final. Selon l'école, il lui manquait deux «électifs», des matières à option indispensables pour obtenir le titre. La ministre reconnaît aujourd'hui que son diplôme n'a pas été validé, mais affirme avoir obtenu tous ses modules. Elle évoque un «différend» avec HEC. Toujours est-il qu'en 1995 Simone Veil et Marceau Long l'incitent à opter pour la magistrature. Rachida Dati doit donc se remettre aux études et obtenir au minimum une maîtrise de droit, indispensable pour devenir juge. Elle opte pour le droit public général et s'inscrit à Paris I-Panthéon-Sorbonne. Elle bénéficie alors d'un dispositif en vigueur à l'époque, la validation des acquis professionnels (VAP) - l'administration retient ses douze années d'expérience dans le monde du travail - ce qui lui épargne de passer au préalable sa licence de droit. Selon Paris I, elle obtient sa maîtrise en 1996.
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Rachida Dati se lache envoyé par yom_ |
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