L’ex-MAE malien avertit sur les risques d'une intervention militaire
L’ex-MAE malien avertit sur les risques d'une intervention militaire
«Les pays de la région ne sortiront pas indemnes»
le 06.11.12 | 10h00
La présence des djihadistes répond à une logique d’expansion de cette mouvance qui va de la péninsule arabique jusqu’à la Corne de l’Afrique.
Ancien ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubay Maiga, était parmi les membres du gouvernement maintenus en détention après le coup d’Etat au Mali, en mars dernier. Sa présence en Algérie est une surprise pour ceux qui suivent de près la situation au Mali. Hier, il était l’invité du forum du quotidien DK News et de la Fondation des études stratégiques et de sécurité que dirige Mohand Barkouk. Il commence par résumer une situation «des plus complexes et compliquées» dans une région s’étalant sur 940 000 km2 et «dominée par des groupes armés».
Depuis mars dernier, après le coup d’Etat, les événements se sont succédé rapidement, provoquant un exode massif de quelque 500 000 personnes vers les pays limitrophes. Début 2012, «les revendications étaient plutôt identitaires et politiques, mais après le coup d’Etat, ce sont les terroristes qui ont pris le dessus», déclare l’ex-chef de la diplomatie malienne et ancien patron de la sécurité. Selon lui, «la présence des djihadistes s’inscrit dans une logique d’expansion territoriale de cette mouvance qui va de la péninsule arabique jusqu’à la Corne de l’Afrique. Leur menace est dirigée contre tous les Etats de la région».
Interrogé sur les risques d’une intervention militaire, Soumeylou Boubeye Maiga explique que celle-ci ne doit pas sous-entendre l’envoi de troupes étrangères dans la région, mais plutôt «une aide multiforme en matière de renforcement des capacités des forces maliennes afin qu’elles puissent progressivement réinstaurer la souveraineté de l’Etat malien sur le Nord et, de ce fait, combattre les groupes terroristes». Le conférencier affirme que la réussite d’un tel plan passe inévitablement par «trois principes fondamentaux : un consensus sur l’évaluation de la situation, la définition du cadre d’action et le rôle de chaque intervenant et enfin s’entendre sur les atouts les plus pertinents pour agir dans la cohérence et la coordination. L’action militaire doit être accompagnée d’une vision politique qui permettra de prévoir l’après-intervention». Il précise que certains groupes qui contrôlent le nord de son pays «peuvent s’inscrire dans cette logique, mais d’autres, à l’image des groupes terroristes, ne peuvent être combattus que par la violence, c’est-à-dire l’action militaire».
M. Maiga souligne que des mécanismes, comme le Cemoc (Commandement militaire des états-majors opérationnels) basé à Tamanrasset et l’UFL (Unité de fusion et de liaison) chargée du renseignement et installée à Alger, n’ont pas prévu une intervention des pays membres hors leurs territoires. «Ces structures ont été mises en place pour agir sur les plateformes frontalières, par exemple sur la frontière algéro-malienne ou nigéro-malienne ou mauritano-malienne. Les forces de ces pays pouvaient s’entraider pour conjuguer leurs capacités face à un danger. Cependant, les événements ont évolué plus rapidement que nos stratégies.
Donc, nous n’avons pas eu le temps de voir les effets du Cemoc se concrétiser sur le terrain», révèle l’ancien ministre, qui rappelle le rôle «important» de l’Algérie, qui selon lui, est tenue aujourd’hui de parler de ce qu’elle fait : «Il faut que l’Algérie parle de la formation qu’elle assure aux troupes des pays du champ, de son engagement à assumer la lutte antiterroriste, de l’aide en matière de logistique qu’elle fournit à ses voisins du sud. L’Algérie n’est pas réticente, mais plutôt prudente. Cependant, elle est tenue de lever toutes les ambiguïtés et les interrogations suscitées chez les populations du Sud.» Selon lui, une intervention militaire telle que défendue par certains pays «aura de très graves répercussions sur tous les pays de la sous-région», précisant plus loin que ses effets toucheront inévitablement le Hoggar.
De toute façon, dit-il, une telle action ne peut en aucun cas être menée dans les semaines ou les mois à venir. Il faudra avant tout isoler les groupes terroristes, restaurer la souveraineté de l’Etat dans la région et soutenir les troupes maliennes par des unités qui pourront assurer la sécurité du réseau routier ou prendre en charge le volet sanitaire et humanitaire. «Il est très important de penser à la reconstruction qui doit se faire avec la population de la région», note le conférencier, qui reste convaincu que la situation n’aurait jamais atteint une telle gravité s’il n’y avait pas eu la guerre en Libye. «Le Mali se trouve au cœur d’enjeux économiques. Il est situé entre les bassins énergétiques de l’Algérie et du Nigeria. A l’est, il y a les gisements d’uranium, au nord du Niger, qui constituent 60% de l’énergie en France, et à l’ouest le bassin de Taoudenni, le sous-sol le plus gorgé d’eau.
Il y a inévitablement de gros intérêts à préserver. Il faudra compter sur les ressources internes, parce qu’aucun pays du champ ne sortira indemne d’une intervention militaire étrangère. Cependant, il ne faut pas sombrer dans cette logique du chaos brandie par les groupes armés. Bien au contraire, nous savons qu’il y a parmi eux, exception faite pour les groupes terroristes, des personnes qui sont prêtes à restaurer la souveraineté du Mali. Même si le Mujao se trouve à Gao, AQMI à Tombouctou et Ançar Eddine à Kidal, les trois groupes ne sont pas faits pour gérer des villes. Les deux premiers doivent être isolés et combattus militairement, l’autre pourrait intégrer la stratégie de réoccupation du terrain, mais une fois la problématique de légitimité et de gouvernance résolue à Bamako», conclut l’ancien ministre.
Salima Tlemçani
Reçu à Alger, Prodi, l’envoyé spécial des Nations unies pour le Sahel affirme :
«Une intervention militaire au Mali, seulement en dernier ressort»
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