Par Hasna Yacoub et Agences
Les combats ont repris hier à Misrata malgré l’annonce par le régime Khadafi d’une pause dans ses opérations contre les rebelles dans cette ville assiégée et où la situation humanitaire inquiète la communauté internationale. Samedi dernier, le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaïm, avait assuré que les forces gouvernementales avaient «suspendu leurs opérations» à Misrata pour permettre aux tribus locales de trouver une solution pacifique dans un délai de 48 heures. Misrata, théâtre depuis plusieurs semaines d’une guérilla urbaine meurtrière entre rébellion et forces loyalistes, a connu samedi dernier le pire bilan depuis le début des combats, avec au moins 28 morts et une centaine de blessés. Hier, les explosions se sont succédé. Pour l’opposition, l’annonce d’une suspension des opérations «est un leurre». Le colonel Omar Bani, porte-parole militaire du Conseil national de transition (CNT), a déclaré que le régime veut faire croire au monde que le conflit est «une guerre civile entre les tribus libyennes, mais ce n’est pas vrai […]. Pensez-vous vraiment que je vais combattre ma propre famille ?» Selon des soldats loyalistes blessés et capturés hier par les rebelles, les troupes pro-Kadhafi qui combattent à Misrata sont «en train de perdre» et leur moral est «au plus bas». Ils ont raconté que les lignes d’approvisionnement étaient coupées et que les officiers avaient abandonné leurs troupes. «Beaucoup de soldats veulent se rendre, mais ont peur d’être exécutés» par les rebelles et, du coup, «s’habillent en civil pour fuir Misrata», ont-ils ajouté. Malgré l’aide humanitaire livrée par mer, surtout par les ferries de l’Organisation internationale des migrations (OIM) qui font la navette avec Benghazi pour évacuer les migrants de toutes les nationalités, la situation se dégrade à Misrata où l’alimentation en eau est coupée. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a souligné que les conditions de survie des habitants se dégradaient, l’accès aux soins et à l’eau devenait problématique. «Nous manquons de tout, équipement, personnel et médicaments. On opère à la chaîne dans tous nos blocs», a déclaré à l’AFP le Dr Falra. Un navire affrété par l’OIM est arrivé samedi à Misrata avec 160 tonnes d’aide humanitaire et devait repartir pour Benghazi en évacuant un millier de réfugiés étrangers, notamment des Nigériens. Dans les zones proches du poste frontière tuniso-libyen de Dehiba, les bombardements des forces loyales se poursuivaient. Jeudi matin, ce poste, à 200 km au sud de Ras Jdir, était tombé aux mains des rebelles. A Tripoli, l’Otan a mené de nouveaux raids dans la nuit de samedi à hier, annonçant que les frappes de drones vont continuer. L’amiral Russ Harding, commandant adjoint de l’opération de l’Otan, a déclaré : «Nous demandons aux civils dans les régions touchées de s’éloigner des forces du régime, des installations et de l’équipement [militaire] quand c’est possible, afin que nous puissions frapper avec plus grand succès et avec le risque minimum pour les civils». La première opération de drones a été effectuée samedi dernier : un missile sol-air SA-8 a été détruit. Après la décision de l’ONU de geler les avoirs à l’étranger du colonel Kadhafi et de ses proches, le quotidien Los Angeles Times a indiqué hier que le dirigeant libyen continue de puiser dans ses comptes ouverts dans certains pays comme la Turquie ou le Kenya. Sur le plan diplomatique, le ministre libyen des Affaires étrangères Abdelati Laabidi est pour la quatrième fois entré en Tunisie, probablement à destination de Chypre, pour discuter de la situation de son pays en proie à une insurrection armée depuis la mi-février. Le ministre italien des Affaires étrangères a, quant à lui, annoncé hier qu’il se rendrait prochainement à Benghazi pour inaugurer un consulat. L’Italie, à l’instar de la France et de la Grande-Bretagne, a annoncé la semaine dernière l’envoi de conseillers militaires auprès du Conseil national de transition (CNT) libyen. Enfin, le sénateur républicain John McCain a pressé les Etats-Unis d’intensifier les frappes aériennes sur la Libye, faisant valoir qu’une impasse militaire prolongée profiterait à El Qaïda.