Actualités :
LA CAPITALE RENOUE AVEC LA
CONTESTATION Émeutes à
El-Madania
Les habitants de la cité Diar-Echems,
dans la commune d’El-Madania, sont sortis hier, dans la rue pour exprimer leur
ras-le-bol. Des femmes, des jeunes et des moins jeunes se sont rassemblés au
lieu-dit Les jasmins. Seul moyen pour se faire entendre : bloquer la voie
publique à l’aide de troncs d’arbre, de pneus, de blocs de pierres et de
parpaings. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Les habitants des 15 000
logements et de près de 200 habitations précaires de Diar- Echems voulaient
dénoncer les conditions de vie dans cette cité qui date de 1960. Ici les
appartements sont des F1 ou des F2. Les espaces sont étroits, les familles sont
nombreuses et leurs attentes durent depuis des décennies. «Nous avons ras-le-bol
de vivre dans ces conditions lamentables qui perdurent depuis des années. Les
promesses des différents responsables se suivent et se ressemblent mais les
tenir et les concrétiser relève de l’imaginaire», peste un sexagénaire qui
occupe un étroit F1 depuis l’indépendance. Selon les manifestants, la dernière
distribution de logements qu’a connue leur commune remonte à septembre dernier.
«Soixante logements sociaux ont été attribués par notre APC et seules trois
familles de notre cité ont bénéficié de cette opération», s’indignent-ils.
L’anecdote ne s’arrête pas là, car depuis une semaine, poursuivent-ils, «les
trois appartements libérés au sein de notre cité ont été cédés à trois femmes
employées à l’APC d’El-Madania». Cette histoire, paraît-il, n’a fait qu’ajouter
de l’huile sur le feu. Car, il y a trois jours, un autre incident s’est produit
au sein de la même cité. Voulant s’offrir une «bouffée d’oxygène», certains
habitants ont essayé d’ériger des baraques en guise d’habitation sur un terrain
de stade abandonné, à proximité de leur cité, rapporte-t-on. Une tentative qui a
été «avortée» par les autorités locales. Cette réaction a, selon les
manifestants, attisé l’ire des résidents de Diar-Echems. C’est ainsi que «nous
avons pris la décision de dénoncer la bureaucratie, l’injustice et la hogra
instaurées par nos élus en fermant la route», tonne un groupe de protestataires.
Ils passent à l’action. Les manifestants s’emparent de la voie publique en
empêchant toute circulation automobile. Présents sur les lieux, les éléments la
Sûreté nationale tentent tant bien que mal de maîtriser la situation. Les
nombreux représentants du quartier semblent, eux-mêmes, en désaccord. Ils
n’arrivent même pas à désigner un «porte-parole» pour dialoguer avec le chef de
cabinet du wali délégué qui s’est déplacé pour la circonstance. Après maintes
tentatives et las d’attendre, ce dernier a fini par rebrousser chemin. C’est
autour des services de la Sûreté nationale de tenter de calmer les esprits.
Peine perdue. Les manifestants se montrent décidés et obstinés. Il est 12h30.
Les troupes antiémeutes envahissent le Ravin de la femme sauvage. Surpris, les
contestataires ont réfuté leur présence et ont commencé à hurler et à insulter
les policiers. Une pluie de pierres et de débris de verre s’abat sur les
policiers et les nombreux curieux rassemblés en masse sur le boulevard en
contre-bas de la cité. C’est la panique. Tout le monde court. «Ils nous
attaquent d’en haut de la cité», crie une voix parmi la foule. Il n’est plus
question de faire marche arrière. Les éléments antiémeutes avancent et les jets
de pierres se font de plus en plus intenses et violents. Les émeutiers reculent
mais ne cèdent pas. De temps à autre, des moments de «trêve» s’imposent avant
que les jets de pierres ne reprennent. La route est jonchée de pierres et de
morceaux de verre. Plusieurs policiers sont blessés. Cette fois, l’attaque ne
tarde pas. Encore un autre moment de calme. Quelques minutes plus tard, un
groupe de jeunes poussant une benne à ordures surgit du haut d’une pente qui
surplomb le boulevard. Ils l’incendient et l’abandonnent à mi-chemin. Une grosse
fumée sombre se dégage et se propage dans l’air. Des injures et des
vociférations l’accompagnent. Les mêmes scènes ont continué durant tout
l’après-midi, donnant naissance à des sentiments de colère mêlés de panique et
de peur chez les émeutiers. Le quartier des Jasmins a vécu des moments très
chauds et violents entrecoupés de brefs instants de calme et de
trêve. R.
N.
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