De nos envoyés spéciaux en Angola,
Mohamed Bouchama,
Amine Andaloussi
et Sid Samir
Egypte-Algérie, du Caire à Benguela, en passant par Omdourman. La rencontre n'a rien de normal. C'est d'abord une demi-finale de Coupe d'Afrique, un fait inédit, une première depuis que les deux pays disputent cette compétition continentale inter-nations.
Ensuite, c'est un derby qui a toujours été entouré par une «guerre des mots», suivie par des débordements souvent dommageables. Le caillassage du bus de la sélection algérienne, près de l'aéroport du Caire, est encore vivace. Soixante-dix jours plus tard, les plaies ne se sont pas refermées. Par la faute de la bêtise humaine. Les Égyptiens n'acceptant pas de reconnaître leur méfait ont monté une campagne de dénigrement à l'infini contre tout ce qui leur rappelle l'Algérien, celui qui leur a barré la route du Mondial, un certain 18 novembre 2009 au stadium d'El-Merrikh d'Omdourman. Cela s'est traduit aussi par un boycott de toutes les compétitions régionales et internationales auxquelles l'Algérie est qualifiée ou invitée. Le ridicule fut cette décision de ne pas abriter la CAN de handball si les Algériens y prenaient part. La CAHB n'ayant pas trouvé mieux que d'accorder un sursis à l'Égypte des Moubarak qui finira par reprendre l'organisation après avoir senti le roussi. Mieux, le brimbalant boss de la FEF, Fédération égyptienne de football, Samir Zaher, de même que tous ses collaborateurs, et les vedettes des médias de la rive du Nil, juraient par tous les saints, tous les pharaons, que l'Égypte renoncera à croiser l'Algérie lors de cette CAN même s'il s'agissait d'une finale. Ce jeudi 28 janvier 2010, il ne s'agira pourtant que d'une demifinale et les sbires de Alaâ et Jamal Moubarak n'en croyaient pas leurs yeux de revoir, sur leur chemin, des titans Verts. Akhenaton, le pharaon qui voulait unifier les dieux des ancêtres de Shehata, serait-il revenu à de meilleurs sentiments, lui qui n'entendait plus reprendre langue avec les fils de Jugurtha et de Massinissa ?
Chemins croisés, destins grisés
Égypte-Algérie se tiendra quand même demain soir à l'Estadio National d'Ombaka à Benguela. Une ville qui a abrité les quatre rencontres des doubles champions d'Afrique. Toutes gagnées par les coéquipiers d'Ahmed Hassan, le capitaine aux 170 sélections. Le Nigeria et le Cameroun, deux mondialistes, sont les deux plus grosses prises des pêcheurs de Hassan Shehata. La passe de trois, alors, face à l'Algérie de Rabah Saâdane ? L'histoire raconte que jamais l'Égypte n'a battu l'Algérie dans une phase finale de la CAN. De surcroît, quand cette dernière se déroule loin des pyramides. Sur terrain neutre, les chiffres sont favorables aux Verts. Psychiquement, les Algériens, qualifiés au Mondial aux dépens de l'Égypte, ont une longueur d'avance, voire plusieurs. Les footballeurs auront cette intime volonté de prendre leur revanche pour prouver que le «drame» d'Omdourman n'était qu'un accident de parcours. Ceux de l'Afrique du Nord veulent, pour leur part, prouver autre chose. Qu'ils méritent parfaitement leur qualification en phase finale de la Coupe du monde, d'Afrique du Sud. Ressources mentales mises à part, les arguments techniques présentés par les deux teams, durant les quatre dernières sorties, celles jouées en Angola, font état d'une régularité éprouvée de la part des Égyptiens au moment où les Algériens manquaient l'allumage avant de monter en puissance. En quart de finale, malgré un combat inégal, sur le papier du moins, les Verts ont acculé les Éléphants pour en faire une autre victime de la rigueur d'une formation qui gère mieux ses sensations et qui fait sienne la rhétorique : «Gagner pour se faire plaisir. » Plaisir partagé par un peuple en ébullition depuis que le destin a offert une nouvelle soirée où les feuilletons tournés dans les studios cairotes ne font plus recette.
«Je t'aime, moi non plus»
Et l'affaire est sérieuse. Égypte- Algérie n'est plus cette histoire d'amour composée sur des montagnes d'amour. L'Arabité, Oum Edounia n'en a cure. La vieille chanson de Mohamed Abdelwahab a fini par user les tympans. Des deux rives de la Méditerranée. «Alexandrie, Alexandra», chère à Dalida, chantée en chœur par les générations Seventies, est soulée par les très écoutées chansonnettes à la gloire des Verts et des Algériens comme «Djaw Al-Haramia», tube du groupe Torino-Milano. Les causeries nocturnes d'Amr Adib, Mustapha Abdou et Brahim Hadjazi, sur les ballots satellitaires, ont atteint des limites telles que l'égyptianisme est une mode «fait plouc» des temps modernes. Ce jeudi sera-t-il un autre soir ?
M. B.
Quel arbitre pour le choc ?
La Confédération africaine de football a épuisé toutes ses belles cartes arbitrales lors des quarts de finale. Les quatre meilleurs sifflets actuels du continent, l'Algérien Mohamed Abderrazak Benouza, le Seychellois Eddy Maillet, le Sud-Africain Jérôme Damon et l'Egyptien Essam Abdelfattah ont officié, respectivement Angola-Ghana, Côte d'Ivoire-Algérie, Egypte- Cameroun et Zambie-Nigeria. Du coup, leur désignation lors des demi-finales de ce jeudi est écartée. Le premier (Benouza) et le dernier (Abdelfattah) par appartenance filiale tandis que les deux autres Maillet et Damon en l'occurrence, ils ont cette «tare» d'avoir déjà officié les deux équipes dans les deux derniers matches des éliminatoires (Damon au Caire et Maillet à Khartoum) mais également durant cette CAN. La commission d'arbitrage de la CAF qui n'a pas envie d'entrer en guerre avec les deux fédérations se réunira aujourd'hui pour trancher le quiproquo. Deux arbitres, le Saoudien Al-Ghamdi et l'Angolais Manuel Candido Inancio sont candidats à l'office de ce derby arabe.
Fin de CAN pour Benouza
L'arbitre algérien, Mohamed Benouza, qui a officié deux rencontres durant cette édition (Gabon-Zambie, au 1er tour, et Angola-Ghana en quart de finale) n'arbitrera plus de matches durant cette fin de CAN. L'enfant de Boufatis ne pourra, en effet, officier la demi-finale Ghana- Nigeria en raison de la position ghanéenne dont la Fédération l'a récusée durant le premier tour (Ghana-Côte d'Ivoire) sous prétexte qu'il était derrière l'élimination des Hearts of Oak, la saison dernière, en ligue des champions. Benouza, naturellement exclu dans l'office du derby arabe (Égypte-Algérie) aura été l'une des principales «victimes» du parcours éloquent des Verts de Saâdane.
LOGIQUE PRESQUE RESPECTÉE EN QUART DE FINALE
Deux derbys pour une finale inédite
Le tournoi africain aborde sa phase cruciale. Lundi soir, à Lubango, s'est déroulé le dernier quart de finale de cette 27e édition. Zambie-Nigeria a dérogé à la règle en allant au-delà des 90 minutes, comme Côte d'Ivoire- Algérie et Égypte- Cameroun, les Super Eagles ne s'imposant que grâce à leur adresse durant la série des tirs au but (4-5). Les rencontres de jeudi seront des derbies par excellence. Égypte- Algérie, celui de l'Afrique du Nord alors que Ghana- Nigeria est un pur duel anglosaxon. Il faut remonter à très loin, exactement à 1980 à Ibadan, pour assister à la première demi-finale arabo-arabe (il y a eu en 1957 Soudan-Egypte mais c'était sous une formule de poule à trois). Cette année-là, les joueurs de Rogov ont éliminé l'Égypte aux tirs au but après un match fou-foufou achevé sur une parité (2-2), les deux réalisations algériennes étant l'œuvre de feu Benmiloudi (ex-CRB) et Assad. En finale, l'Algérie a retrouvé le… Nigeria, sélection qui est encore en course pour disputer, éventuellement, la «belle». L'Algérie ayant pris sa revanche de Surelere (3-0) au stade du 5- Juillet (1-0). Le Nigeria a, pour rappel, éliminé en 2000 le Ghana en demi-finale disputé à Accra.