Actualités : PATRONS ET BANQUIERS ALGÉRIENS La colère monte
Dossier réalisé par Chérif Bennaceur L’inquiétude et la perplexité minent de plus en plus l’esprit des opérateurs économiques, des analystes et autres agents économiques. Monté récemment au créneau, le Forum des chefs d’entreprises (FCE) a déploré l’illisibilité de la démarche économique actuelle. Dans le désarroi, les opérateurs économiques s’estiment lésés, bridés par les changements de la réglementation régissant le commerce extérieur et l’investissement. Selon cette organisation patronale, très réactive, le retour vers des pratiques centrées sur la restriction administrative de l’acte de commerce comme de l’acte d’investir est une fausse solution. Voire, les entrepreneurs condamnent la démarche économique du gouvernement, en manque de cohérence, de logique, de concertation avec les acteurs. Et dans la mesure où la rente pétrolière, l’injection massive de fonds publics dans l’équipement infrastructurel, l’expansion non jugulée des importations de biens et de services constituent autant de leurres. Et au regard de la contestation récurrente de la mauvaise qualité du climat d’affaires actuel, marqué notamment par les lourdeurs, la gestion hasardeuse, la bureaucratie, le déficit d’éthique, d’équité, voire la corruption de plus en plus prégnante. Cela même si un officiel, le ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, a reconnu l’existence d’un mauvais climat qui contrarie la venue des investisseurs et complique la tâche des opérateurs privés nationaux. Certes, des actions sont initiées, visant notamment la réhabilitation du secteur industriel la relance de l’appareil productif. Pour autant, l’amélioration de la croissance économique reste encore utopique, tirée essentiellement par la dépense publique, favorisée par la donne pétrolière, soumise elle à la volatilité. Comme les incitations économiques tant globales que microéconomiques et institutionnelles sont en panne. Dans ce contexte, le risque de clash plane sur la maison économie algérienne. C’est le constat que posent des économistes, un consultant, des chefs d’entreprise, du secteur public et privé, ainsi qu’un banquier. Dénominateur commun de leurs propos, l’absence patente de projet de société, de vision stratégique sur le plan économique.
ALI HARBI, CONSULTANT ET ÉCONOMISTE : «La vision stratégique fait défaut»
Est-ce qu’il y a une vision stratégique sur le plan économique ? C’est l’une des interrogations à laquelle le consultant et économiste Ali Harbi répond par la négative, appelant à clarifier les objectifs, les choix de développement.
Le Soir d’Algérie : La situation économique actuelle est grave, bloquée, selon la plupart des opérateurs économiques qui ne cessent de monter au créneau. Est-ce réellement le cas ? Pourquoi cette impression de blocage ? Ali Harbi : La réponse est à double niveau. D’un point de vue technique, un certain nombre de difficultés se posent pour l’entreprise. Foncier, financement… Et pour chaque problème technique, il y a une solution. Mais est-ce qu’il y a une vision stratégique ? Pour le moment, ce n’est pas clair. Mais la vision, c’est le politique qui la définit. Oui, cela relève du politique. Mais y a-t-il une volonté de continuer sur le chemin de l’économie de marché ? Constatez les mesures prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire pour 2009 et leur impact sur l’entreprise. Des interrogations lourdes pèsent sur les choix pris. C’est flou. A ce problème, la réponse est du politique. Or, le constat démontre l’absence de vision stratégique. Que veut-on ? On ne le sait pas. Il y a besoin de clarification. Comme l’ont démontré les récentes rencontres comme celles du Forum des chefs d’entreprises (FCE). Vous évoquez des difficultés techniques. Lesquelles ? Sont-elles irrémédiables ? Je le réaffirme, les solutions techniques existent. Il faut lever les obstacles, agir concrètement. Prenons le problème du financement. Il n’est pas lié à la question des ressources mais perdurera dans la mesure où les procédures d’octroi de crédit n’ont pas changé. Or, le système fonctionne dans une culture de pénurie financière. Les banques demandent davantage de garanties que la norme. L’on estime que la demande de garantie représente trois fois la valeur du crédit ! En outre, les banques ne recourent pas aux fonds de garantie. Quelle solution alors ? Mais ce fardeau incombe-t-il seulement aux banques ? Les outils existent. Comme il s’avère important de développer un code de bonne conduite entrepreneuriale, améliorer la transparence. Effectivement, les entreprises doivent améliorer leur gouvernance, voire la qualité des dossiers de demande de crédit qu’elles soumettent. Et de leur part, les banques doivent assouplir les procédures. Il faut continuer à agréer des banques, hors le ralentissement que l’on constate. Il faut diversifier l’offre de financement, libérer le marché du financement. Comme il faudrait revenir à l’octroi des crédits à la consommation. En somme, réformer les procédures, développer le recours à la garantie, développer de nouveaux instruments financiers. Des réformes économiques ont été lancées. Une stratégie industrielle a été impulsée, pourtant... Mais le rythme des réformes économiques lancées connaît un ralentissement. Y a-t-il une remise en cause implicite de la réforme ? L’on s’interroge. Prenons le cas du tissu industriel de biens et services. Certes, nous pouvons exporter des services. Même se développer à l’international. Mais le problème de la compétitivité se pose, au regard des coûts, du fait que le produit fabriqué en Algérie est en bout de chaîne de valeur. Des filières industrielles ont été déstructurées. L’on parle de la stratégie industrielle. Annoncée, elle n’est pourtant pas mise en œuvre. Or, il y a une illusion sur la question des coûts. A contrario de l’idée reçue, l’énergie est chère en Algérie. Comme la productivité est faible. Ce qui est lié aux défaillances en matière d’organisation, de management, à la question de la rémunération, à la motivation des travailleurs. Ainsi, la machine économique est en panne. Le problème est structurel. Il faut un sursaut. Se donner des objectifs, des ambitions, des horizons. D’autant que l’expansion démographique allant, nous serons 50 millions d’habitants dans quelques décennies. Le rythme d’importation ne doit pas être bloqué mais il faut développer une industrie locale de substitution, développer l’exportation de biens. Soyons intelligents. Le contexte économique actuel est une aubaine. À nous de savoir la transformer en dynamique. La question reste posée... Les équilibres macroéconomiques sont favorables. L’objectif de création de 200 000 nouvelles PME par an est appréciable. Mais le besoin de ressources financières, humaines et matérielles reste toujours prégnant, conditionnant les investissements. Il faut relever le défi de la qualité. Moderniser les méthodes. Savoir se reconnecter à l’international, mobiliser les compétences nationales à l’étranger… Il y a un besoin crucial de clarifier nos objectifs, de donner une nouvelle impulsion au rythme de développement. Propos recueillis par C.B.
UN BANQUIER S’EXPRIME Ne pas continuer à générer des occasions perdues
Il y a un affaiblissement sérieux des capacités de gouvernance, à tous les niveaux, un affaiblissement du débat général selon un économiste et banquier qui estime qu’il ne faut pas continuer à générer des occasions perdues.
Nombreux sont les opérateurs et observateurs qui constatent une situation de blocage au point de vue économique. Un débat qui n’est pas nouveau selon un économiste et banquier, tenu au devoir de réserve. Selon notre interlocuteur, l’enjeu est lié au passage d’une économie de rente vers une économie de production. Ce qui, dira-t-il, «renvoie à la construction d’un système productif, à des réformes structurelles d’une très grande portée et qui impliquent tout le monde : les opérateurs, le gouvernement, les régulateurs, les citoyens…». Pour cet économiste, «il y a une mutation mentale à faire, à tous les niveaux. Certes, ce qui a accéléré le lancement de réformes structurelles, la mise en œuvre d’un début de réforme, c’est la contrainte extérieure ». Et cet «élan a été relativement fort jusqu’en 1997-1998. Mais dès lors que l’on est revenu à une situation d’embellie sur le marché pétrolier, l’économie de rente a pris le dessus». Or, «la rente anesthésie » et «l’économie de rente induisent des rentes de situation qui engendrent une certaine tyrannie du statu quo», assure-t-il, dubitatif sur l’existence de véritables opérateurs économiques. Or, la rente «n’est pas éternelle. Il faut se préparer à l’après-rente. Ça se rapproche !» relève-t-il. De l’avis de ce banquier, la capacité de réflexion «s’est beaucoup amoindrie, depuis un certain temps, avec le départ forcé de gens de qualité». Ainsi, l’Algérie, selon lui, «n’a plus le même niveau d’expertise locale qu’elle avait avant. Il y a un affaiblissement sérieux des capacités de gouvernance, à tous les niveaux». Il relève l’absence de vision très claire, au moins sur le plan économique, de la part des autorités. «L’impression, notable chez le commun, est que l’on est plus réactifs que proactifs. Il y a affaiblissent du débat général», développe-t-il. Et usant d’une image, «le débat tourne autour des recettes de cuisine et non pas sur le menu. Pourquoi ? Parce que très peu de forces de proposition se sont exprimées». Pour notre interlocuteur, l’essentiel est ailleurs. «Comment relancer une concertation générale, un dialogue clair, sur un grand projet de société ?» interroge- t-il. Et d’ajouter : «Il faut avoir une vision. Mais pour qu’elle soit perçue comme crédible, il faut qu’elle soit partagée». Toutefois, cet économiste n’entrevoit pas de début de solution. Plutôt, «une sur-réaction ! L’on n’anticipe pas. Or, les Algériens demandent à être mobilisés» rétorque-t-il. Sentiment de conformisme ? Fatalité ? Selon notre interlocuteur, explicatif, «c’est peut-être l’expérience vécue durant la décennie d’insécurité qui a déteint sur la mentalité des Algériens». Soit, «une certaine forme de résignation, couplée à la recherche uniquement du bien-être». Mais «c’est aussi l’état d’esprit des agents économiques», d’autant, dira-t-il, qu’«il y a très peu d’investisseurs en dehors de certains capitaines d’industrie, et d’un investisseur qu’est l’État. Le système, les acteurs, leurs rapports sont marqués par la quête de la rentabilité à court terme». Certes, «l’intermédiation bancaire est faible. Mais c’est l’absence de remontée de projets de l’économie réelle qui pose un vrai problème», note notre hôte. Car, l’«on organise la consommation de la rente, pas l’économie». Des propos pessimistes ? Va-t-on droit au mur ? pour paraphraser un autre économiste. Affirmatif, ce banquier semble l’être. «On va dans le mur ? Oui ! Ce qui explique une partie de la sur-réaction, mais il y a du souci à se faire», déclare-t-il. Toutefois, il estime qu’«il ne faut pas perdre espoir. Il y a encore des réserves financières notamment, un peu de temps grâce au gaz…». Mais «nous ne devons pas continuer à générer des occasions perdues ! C. B.
SLIM OTHMANI, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE NCA-ROUIBA : «Il n’y a pas de projet de société»
Il n’y a pas de projet de société, assure le directeur général des Nouvelles conserveries algériennes NCA-Rouiba, Slim Othmani, qui déplore l’excès d’instabilité dans les règles du jeu de conduite du marché.
Le Soir d’Algérie : Le sentiment croît chez les observateurs et les opérateurs économiques quant à une situation économique paralysée. Etes-vous de cet avis ? Y a-t-il réellement blocage ? Slim Othmani : Tout le monde se plaint parce qu’il y a trop d’instabilité dans les règles du jeu de conduite du marché. Ce qui influe de manière extrêmement négative sur un facteur déterminant pour toute économie : l’attractivité de l’investissement, qu’elle soit nationale ou internationale. Le plus grave est que les changements dans les règles du jeu ont inéluctablement, indiscutablement affecté la compétitivité de l’entreprise algérienne qui était déjà malmenée. Référence implicite aux dispositions de la loi de finances complémentaire ? Je pense qu’à la lumière des nouvelles règles du jeu, il est important que les pouvoirs publics fassent un véritable bilan de l’impact sur la compétitivité, et qu’ils admettent qu’ils s’excluent des marchés de l’export. Il y a une réelle volonté de substituer les importations par la production nationale, la fabrication locale. Mais il est clair que l’on ne peut pas tout fabriquer ici. Même des produits extrêmement importants ne représentent peut-être pas des opportunités d’investissement, car en volume, ils ne permettent pas d’entreprendre des projets industriels. Mais les pouvoirs publics ont lancé des réformes, initié des actions de régulation économique au profit des acteurs économiques… L’on n’a pas laissé le temps au marché de s’installer, de se développer, aux opérateurs de percevoir l’opportunité d’investir un créneau, un secteur donné. Et sans négliger le caractère rebutant de la bureaucratie, de l’environnement des affaires. On veut aller à contre-courant d’un processus naturel, où c’est le marché qui booste, en fin de compte, l’industrie avec comme pivot la PME. A ce propos, je constate la diabolisation de la PME par certains courants de pensée, de doctrine. D’aucuns ne croient pas que la PME puisse être le socle de l’émergence de champions nationaux. Mais la PME, pour qu’elle puisse être compétitive, a besoin d’un environnement flexible et adapté. Cet environnement n’est pas flexible et ne lui permet pas de se développer. Exemple : l’industrie automobile, où l’on a besoin d’une sous-traitance qui soit pérenne et soutenable. On doit faciliter la vie aux entrepreneurs qui passent 40 % de leur temps à régler des conflits, des problèmes mineurs, alors qu’ils devraient se consacrer davantage à développer leurs entreprises et le marché. Comme l’on ne doit pas faire de discrimination entre les entreprises qui activent dans la production et ceux qui font dans le commerce, le négoce. Ceux-ci, les distributeurs, ont tous une forme de valeur ajoutée. Cet état de fait s’explique comment ? C’est lié à l’absence de vision stratégique. Le citoyen algérien ne sait pas de quelle Algérie l’on parle. C’est quoi l’Algérie de demain ? Au Maroc, l’on ambitionne d’attirer des dizaines de millions de touristes à l’horizon 2025. Ce qui génère toute une industrie et services dérivés. Où est la vision stratégique en ce domaine en Algérie ? Une vision, c’est l’expression d’un rêve. C’est, pour utiliser une terminologie anglosaxonne, savoir leader, mobiliser toute la société autour d’un projet, d’un rêve. Il faut définir les objectifs, pas par des slogans vagues. Qu’est-ce que l’Algérie veut être ? Il n’y a pas de projet de société. On agit par réaction. Le sentiment domine qu’on veut remettre en place un système répressif qui n’a pas sa raison d’être. Nous avons besoin d’une meilleure qualité de vie, accès aux services et commodités nécessaires. A ce propos, je suis profondément choqué par les propos de la secrétaire générale du Parti des travailleurs. Mme Louisa Hanoune se permet de tancer le secteur privé. Qu’elle arrête de nous insulter ! Alors, comment rendre cette vision concrète ? La vision est difficile à mettre en œuvre dans un environnement changeant, agressif à l’égard du monde de l’entreprise. Mais ce qui est grave, c’est que l’Algérie est convaincue de son pouvoir de négociation infini et qu’elle peut l’imposer à tous. C’est faux ! La nouvelle donne du marché gazier a réduit le pouvoir de négociation de l’Algérie. Comme le rôle de moteur, d’acteur régional majeur n’est pas encore assumé par l’Algérie, impactant de façon non négligeable la croissance des pays de la région qui, en tout état de cause, ne peuvent rester indéfiniment dans l’expectative et risquent d’exercer sur notre pays des pressions indirectes qui pourraient être lourdes de conséquences. Est-ce pertinent ? Oui, il faut s’inscrire dans une dynamique régionale. Ne pas tourner le dos à la concertation, au dialogue, coopérer, créer des synergies. Ne pas s’enfermer dans un modèle autarcique et accélérer le processus d’accès au savoir et à la culture. Ce qui est choquant, c’est l’absence de dialogue entre les deux générations, celle au pouvoir et les nouvelles générations censées prendre la relève. Plus rien ne les lie. Le seul espace ou ce qui transparaît, le champ de dialogue tourne exclusivement autour du religieux, du dogmatique et ne permet aucun débat. D’autant que nous ne sommes pas dans une logique d’ijtihad. Propos recueillis par C. B.
MOKHTAR CHAHBOUB, P-DG DE LA SNVI : «Le secteur industriel est en cours de réhabilitation»
Le secteur industriel est en bonne voie de réhabilitation, assure le président-directeur général de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI), Mokhtar Chahboub, qui estime que la relance de l’investissement productif augure d’une ère nouvelle.
Le soir d’Algérie: La situation économique actuelle reste incertaine, confrontée à des difficultés notamment dans le secteur industriel. Etes-vous de cet avis ? Mokhtar Chahboub : En tant qu’opérateur du secteur public, il y a un élément nouveau qui est apparu ces dernières années. Les pouvoirs publics se penchent plus particulièrement sur la relance, le devenir du secteur industriel. Les entreprises publiques sont mises à niveau. Dans le domaine industriel, les entreprises qui disposent d’un marché, d’une expertise sont en train d’être réhabilitées. Une action stratégique est lancée, selon deux objectifs tracés. Soit mettre sur le marché des produits en substitution à l’importation et à valeur ajoutée. Mais aussi rationaliser l’utilisation de ses effectifs, en fonction du plan de charge. Il y a relance de l’investissement productif. Ce qui implique des produits conformes aux standards internationaux. D’autant que les entreprises du secteur public n’ont pas bénéficié d’investissements de par le passé. L’obsolescence, tant décriée, est due surtout au fait que l’on n’a pas investi. Mais le processus de relance industrielle patine… Non, ça ne patine pas. Le processus de réhabilitation est lancé. Même si les effets des actions lancées, disons en 2010, ne seront perçus qu’à moyen terme. D’une manière générale, le pays a besoin de créer de l’emploi. Et le secteur industriel est un secteur pourvoyeur d’emplois. Je note également que l’État a pris une décision très importante. La majorité dans les projets est obligatoirement algérienne, à 51 %, voire plus. Comme il n’y a plus de cession d’actifs industriels mais leur concession. Ce qui met un terme à la spéculation. Il y a réhabilitation de l’outil industriel existant qui doit servir de locomotive au secteur privé, au réseau de sous-traitance et de PME privées. Mais les entreprises subissent de plus en plus des difficultés. Vrai, les PME sous-traitantes sont confrontées à des difficultés. Mais je note que le processus engagé encourage ce tissu industriel à se prendre en charge, par des projets maturés, à se mettre à niveau, voire à se positionner à l’export. On est en train de bien réhabiliter le tissu industriel. Absolument. Et cette réhabilitation est prise en charge par l’expertise nationale. Bien sûr, les entreprises privées sont confrontées à des contraintes. Selon une étude initiée en partenariat avec ces opérateurs, ces contraintes sont au nombre d’une vingtaine. Les difficultés les plus graves sont l’informel, l’accès et le coût du crédit, d’autant qu’il n’y a pas de banques d’investissement. A l’autre bout du prisme, les opérateurs soulèvent la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, l’accès à l’énergie et les services portuaires. Je remarque, au passage, que ces opérateurs placent les contraintes liées à l’impôt, l’incertitude de la réglementation, les lourdeurs administratives, au milieu de la liste des doléances. Mais ceci pèse sur le devenir des entreprises. Je déplore, au passage, une certaine résistance au changement. Ainsi, l’on a contesté la mesure de paiement obligatoire des importations par crédit documentaire. Or, assainir un marché, c’est assurer sa traçabilité, et le Crédoc assure cette traçabilité. Certes, le secteur bancaire doit se mettre à niveau mais les nouvelles dispositions sont normales, quoique contraignantes. Il est normal de se conformer à la nouvelle réglementation, et le véritable secteur industriel privé reste à consolider. Il faut faire une étude des lieux. Est-ce que le bon tissu industriel existe ? Le secteur public est là, lui. Annoncée, la stratégie industrielle reste pourtant un leurre. La vision stratégique fait défaut. Je conteste cette appréciation. La relance de l’investissement productif, c’est un objectif tracé. Il y a un programme présidentiel. Il y a un Premier ministre chargé de le mettre en œuvre. Notre programme d’investissement à moyen terme a été approuvé par les pouvoirs publics. Et l’on nous demande même d’aller plus loin. En tant que gestionnaire, je suis à l’aise, d’autant que des objectifs sont tracés, l’accompagnement financier disponible. Le fait de consacrer une bonne part des investissements à la relance de l’investissement productif est le début de solution. Même s’il y a toujours des irascibles. Si, aujourd’hui, l’État a décidé de mettre de l’argent dans le secteur public, c’est le début d’une ère nouvelle, d’autant que l’IDE ne vient pas. Propos recueillis par C. B.
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