Un nombre indéterminé d’universitaires est pris en otage au sein de l’établissement. Jusqu’à hier soir, leur sort restait inconnu. Il s’agit de l’opération la plus meurtrière au Kenya depuis l’assaut qui a touché l’ambassade américaine en 1998. 15 heures après le début de l’attaque, le ministre kényan de l’Intérieur, Joseph Nkaissery, affirmait que les forces de sécurité étaient en mission de «nettoyage de zone» et rassurait : «90% de la menace a été éliminée, quatre terroristes ont été tués». Ajoutant que «le nombre exact de terroristes n’a jamais été établi», tout en restant prudent sur la possibilité que d’éventuels assaillants étaient toujours à l’intérieur du campus, composé d’une vingtaine de bâtiments, peut-être avec des otages.
Quelques heures plus tôt, le ministre avait déclaré qu’un des assaillants présumés avait été arrêté. Par ailleurs, deux vigiles ont été tués au début de l’attaque par le groupe terroriste, et «79 personnes ont été blessées, dont 9 sont dans un état critique», ajoute la même source, précisant que 500 étudiants ont été secourus.
Cet assaut terroriste qui a débuté vers 5h30 hier matin, enregistre le bilan le plus lourd depuis l’attentat au camion piégé, revendiqué par Al Qaîda, qui a ciblé l’ambassade américaine à Nairobi en 1998, faisant 213 morts. «Nous dormions quand nous avons entendu une forte explosion, suivie de tirs, tout le monde a commencé à fuir», a raconté Japhet Mwala, un étudiant parvenu à quitter le campus, mais «certains n’ont pu quitter les bâtiments vers lesquels les assaillants se dirigeaient en tirant. J’ai de la chance d’être en vie.»
Des rumeurs d’attaques contre l’université avaient circulé dans la semaine, selon des étudiants. «Personne n’a pris ça au sérieux, car ce n’était pas la première fois», a expliqué l’un d’eux, Nicholas Mutuku, tandis que Katherine, étudiante, disait «avoir pensé à un poisson d’avril». La zone autour du campus situé à environ un kilomètre du centre-ville, a été totalement bouclée toute la journée et les médias tenus à l’écart. Hier soir, un couvre-feu qui durera jusqu’au 16 du mois courant, a été imposé dans les trois comtés frontaliers à la Somalie, plus un quatrième limitrophe de celui de Garissa.
Indignation
Entre «haineuse», «lâche», «barbare» et «insensée», cette attaque meurtrière a suscité l’indignation de la communauté internationale et a été condamnée avec les termes les plus forts. Sur son compte twitter, le Conseil de sécurité nationale de la présidence américaine a écrit : «Les Etats-Unis condamnent dans les termes les plus forts l’attaque terroriste menée aujourd’hui contre des hommes et des femmes innocents à l’université de Garissa». Josh Earnest, le porte-parole du président américain Barack Obama a écrit, quant à lui : «Nous présentons nos condoléances les plus sincères aux familles et aux proches des victimes de cette attaque odieuse».
Continuant : «Les Etats-Unis apportent leur aide au gouvernement kényan et continueront à collaborer avec lui ainsi qu’avec d’autres (gouvernements) dans la région pour faire échec au groupe terroriste shebab». Par ailleurs, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a espéré hier en fin de journée «que la situation sera bientôt sous contrôle sans que davantage de mal soit fait à ceux retenus en otages». Pour sa part, dans un communiqué présidentiel, la France s’est dit «prête à coopérer» avec le Kenya dans sa «lutte contre le terrorisme». «La France se tient aux côtés des autorités kényanes et est prête à coopérer avec elles dans la lutte contre le terrorisme», selon le communiqué de l’Elysée.
«Le Président de la République exprime sa solidarité avec le peuple kényan, qui doit faire face au terrorisme le plus abject, celui qui s’attaque à la jeunesse, au savoir et à l’éducation», poursuit le document. François Hollande «s’associe à la douleur des nombreuses victimes de l’attaque contre l’Université de Garissa (est du Kenya) et présente ses condoléances au président du Kenya, Uhuru Kenyatta». Les shebab, des islamistes affiliés à Al Qaîda, ont multiplié les attentats au Kenya depuis 2011, jusqu’à Nairobi et sur la côte touristique du pays, notamment à Mombasa, principal port d’Afrique de l’Est. Ils ont, entre autres, revendiqué le spectaculaire assaut en septembre 2013 contre le centre commercial Westgate de Nairobi qui a fait 67 morts et une série de raids nocturnes sur des villages de la côte en juin-juillet 2014, exécutant froidement 96 personnes.
Ces attaques font suite au déploiement, en octobre 2011, de l’armée kényane en Somalie pour combattre les shebab. Les Etats-Unis lancent régulièrement des attaques contre les shebab en Somalie à l’aide de drones.