À la lumière des derniers développements, Barack Obama devrait se garder de crier victoire trop tôt, car tout indique que la “guerre contre le terrorisme”, dont l’administration américaine fait une de ses priorités, est loin d’être terminée.
Si la mort d’Oussama Ben Laden bénéficie politiquement à Barack Obama, qui se lance dans la course pour un second mandat à la Maison-Blanche, elle ne semble pas, en revanche, avoir d’effet immédiat ou direct sur le fonctionnement de la nébuleuse terroriste, comme le laisse penser le contenu du communiqué pondu par la nouvelle direction d’Al-Qaïda, dans lequel elle promet vengeance. Les cellules de la mouvance islamiste, créée par Ben Laden, qui essaiment le monde, agissent plus ou moins librement car elles ne sont pas directement dépendantes de leur hiérarchie. Il suffit de voir l’activité d’Aqmi dans la région, pour s’en convaincre. Al-Qaïda au Maghreb islamique n’a jamais donné l’impression de se référer à la direction centrale de la mouvance fondée par Oussama Ben Laden pour choisir ses cibles et accomplir ses forfaits. Aqmi se contente seulement de rappeler, à chaque fois que nécessaire, son allégeance à la direction centrale d’Al-Qaïda. Idem pour les autres cellules, dont celle opérant dans la péninsule arabique sous la direction de l’imam Al-Aulaqi, qui a échappé de justesse à un raid US jeudi dernier. À la lumière des derniers développements, Barack Obama devrait se garder de crier victoire trop tôt, car tout indique que la “guerre contre le terrorisme”, dont l’administration américaine fait une de ses priorités, est loin d’être terminée. C’est dire que le décès d’Oussama Ben Laden, qui n’était d’ailleurs pas le chef opérationnel de la nébuleuse terroriste mais plutôt son mentor, n’aura pratiquement aucune incidence sur son avenir. Jouissant d’une autonomie quasi totale, les groupes terroristes se revendiquant d’Al-Qaïda continueront à agir à leur guise. Il appartient donc à leurs cibles, les États-Unis au premier plan et un certain nombre de pays occidentaux à un degré moindre, de faire preuve d’une grande vigilance lors des prochains jours, semaines ou mois, durant lesquelles pourrait intervenir la vengeance de la mort d’Oussama Ben Laden. www.liberte-algerie.com
Edition du Dimanche 08 Mai 2011
La Libye s’enfonce dans la guerre civile
L’opposition bénéficie de plus de soutien et Kadhafi compte sur les tribus
Par : Merzak Tigrine
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La multiplication des combats entre les forces du régime et l’opposition, qui bénéficie d’un soutien des plus conséquents du groupe de contact, laisse supposer que la situation va empirer en Libye, où les chefs de tribu tentent d’apaiser la tension en appelant à une amnistie générale afin de mettre fin à la guerre civile.
Au lendemain de la réunion du groupe de contact sur la Libye à Rome, Mouammar Kadhafi a rassemblé ses chefs de tribu à Tripoli, qui ont appelé à une amnistie générale pour mettre fin à la guerre civile, alors que les combats entre rebelles et forces gouvernementales marquent le pas, près de trois mois après le début du conflit. Il s’agit aussi d’une réponse au communiqué de la fin du mois d’avril, dans lequel les chefs ou représentants de 61 tribus avaient affirmé, dans une déclaration rédigée à Benghazi (Est), fief de la rébellion, leur volonté de construire “une Libye unie”, “une fois le dictateur (Kadhafi) parti”. Quant à la Conférence nationale des tribus libyennes, elle affirme qu’elle veut “travailler à une loi d’amnistie générale qui inclut tous ceux qui ont été impliqués et ont pris les armes” depuis le début du soulèvement contre le colonel Mouammar Kadhafi à la mi-février. Une telle loi “ouvrira la voie à une ère de paix et de pardon”, ajoute la déclaration publiée tard vendredi soir, sans autre détail sur la loi ni sur son calendrier. La conférence qualifie les insurgés de “traîtres” et s’engage à ne pas “abandonner” Mouammar Kadhafi. Sur le terrain, la situation semblait s’enliser et les combats se focaliser sur Misrata, troisième ville du pays assiégée depuis plus de deux mois par les pro-Kadhafi. Souleiman Fortiya, un représentant de Misrata au Conseil national de transition (CNT), l’organe représentatif des rebelles, indique qu’actuellement à Benghazi, les troupes gouvernementales sont massées à Zliten, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Misrata. Il a déclaré : “Je suis sûr qu’il va y avoir beaucoup de combats au sol dans l’avenir. Misrata s’inquiète de cela, car (Kadhafi) est en grands préparatifs pour marcher sur Misrata.” Vendredi, des combats ont fait de nombreuses victimes des deux côtés autour de Misrata et à Abou Roueya, à l’ouest de la ville, selon la même source, mais aucun bilan n’était disponible dans l’immédiat. Elle a également souligné que le port de Misrata, seul accès pour évacuer les blessés et les étrangers et décharger l’aide humanitaire, avait été “calme” le même jour. Réagissant à la situation, Amnesty International affirme que le siège de Misrata pourrait revenir à un crime de guerre. “L’intensité des attaques acharnées des forces de Kadhafi pour intimider les habitants de Misrata depuis plus de deux mois est vraiment effroyable”, a déclaré l’ONG. “Cela montre une totale indifférence pour la vie des gens ordinaires, et cela constitue une violation claire des règles humanitaires internationales”, poursuit-elle. Pour le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, qui compte demander trois mandats d’arrêt pour des crimes contre l’humanité commis en Libye, le conflit a déjà fait des milliers de morts, et les violences ont par ailleurs poussé à la fuite des dizaines de milliers de personnes. Des centaines de personnes à bord de deux bateaux ont ainsi débarqué samedi sur l’île italienne de Lampedusa, ont annoncé les garde-côtes de l’île où des milliers de Libyens sont déjà arrivés ces dernières semaines. Le groupe de contact sur la Libye avait réaffirmé son aide à la rébellion en créant un “fonds spécial” pour le CNT, qui sera alimenté par des dons et des prêts, notamment arabes, puis en partie par les avoirs libyens gelés aux États-Unis et en Europe. Outré par cette annonce, le régime libyen s’est insurgé contre ce plan, et réaffirmé que le colonel Kadhafi n’entendait nullement céder le pouvoir.
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Edition du Dimanche 08 Mai 2011
Mort de Ben Laden : l’autre complot
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Puisque des thèses “conspirationnistes” prennent prétexte de la communication erratique de la Maison-Blanche au sujet de la mort de Ben Laden, il y en a une qui mérite d’être exposée. Obama ne l’a peut-être pas fait exprès, mais il a choisi le pire des moments pour ordonner l’attaque contre le repaire de l’initiateur historique du terrorisme islamiste : au moment où le parrain d’Al-Qaïda mourait de sa plus belle mort, anéanti par le jeune Bouzidi en Tunisie et progressivement achevé par la jeunesse égyptienne, yéménite, syrienne et qu’on attendait que d’autres peuples musulmans en finissent avec la voie de la haine et du meurtre pour prendre celle de la liberté. Le président américain avait sûrement hâte de couvrir son incapacité à tenir la promesse de fermer Guantanamo, de rendre justice à ses concitoyens victimes de l’attentat du 11 Septembre et de relancer à la hausse sa cote de popularité à la veille d’une campagne électorale. Mais ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas tenu compte de l’impact de sa décision sur le mouvement révolutionnaire démocratique qui traverse le monde dit arabe. Les tergiversations et les tâtonnements communicationnels montrent que l’impréparation n’a épargné que le seul message adressé aux Américains la nuit de la liquidation de Ben Laden. Tout, par la suite, n’était qu’hésitation et improvisation. D’abord, cette histoire d’immersion du cadavre. Des chapelles intégristes, en particulier El-Azhar, matrice connue de la théorie de l’intolérance islamiste et… la Mosquée de Paris, girouette doctrinale imprévisible, en ont profité pour crier au sacrilège et rappeler qu’un musulman doit être enterré. Puisqu’on peut être musulman et revendiquer le statut de musulman pour le sponsor et inspirateur du terrorisme international, voici l’accroche toute trouvée par les intégristes pour se recompter face à la profanation américaine ! Et à Obama de jurer avoir respecté le rite musulman avant de larguer le cadavre de Ben Laden dans l’océan. Comble d’ironie, c’est à l’aune du traitement de la dépouille du chef terroriste – encore qu’on ne puisse pas lui contester le droit de le pourchasser – qu’est évalué le rapport des États-Unis aux musulmans ! De même qu’au temps de Bush, l’exécution de Saddam un jour de l’Aïd a longtemps fait oublier le funeste bilan du dictateur. Et si l’outrage de l’immersion ne suffisait pas à détourner l’opinion musulmane de la problématique de l’heure – la promotion démocratique de leur pays devenue enfin possible –, il y a cette photo que la Maison-Blanche a trouvé impubliable parce qu’elle-même la juge “horrible” à voir. Rien qu’en Algérie, nous avons des dizaines de milliers de photos “horribles” des victimes des exécutants de Ben Laden. Leurs sites n’ont pas hésité à les exposer au regard universel. Al-Qaïda, ses tueurs et ses sympathisants comptent sur l’horreur et sur la peur pour nous dresser à sa crainte et se moquent de nous savoir horrifiés par leurs crimes. Tout se passe comme si l’Occident n’était fasciné que par la monstruosité intégriste survenue en nous. Alors, Monsieur Obama, vous qui avez quelques alliés arabes à défendre contre le désir de changement de leur peuple, dites-nous : voulez-vous qu’on continue à s’attarder sur le cas Ben Laden ou qu’on se concentre sur la revendication démocratique des peuples des pays musulmans ?
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