C’est une étrange
proposition que celle publiquement faite par la ministre française des Affaires
étrangères aux autorités algériennes et tunisiennes. “Le savoir-faire, reconnu
dans le monde entier de nos forces de sécurité, permet de régler des situations
sécuritaires de ce type”. Alliot-Marie explique le soulèvement par
“énormément d'attentes de la part des jeunes, particulièrement de jeunes formés,
de pouvoir accéder au marché du travail”, et nous assure que “le président
Nicolas Sarkozy entend, dans le cadre du G8 et du G20, répondre aux
préoccupations et aux besoins qui sont ceux de la Tunisie et de l'Algérie en la
matière”. On voit mal comment il compte s’y prendre pour créer des emplois au
Maghreb, quand on voit le nombre de jeunes Français qu’il n’arrive déjà pas à
occuper. En attendant, apprécions l’intention, mais considérons aussi le projet
de transfert du “savoir-faire” destiné à régler les “situations sécuritaires”,
puisque c’est ainsi que MAM résume les mouvements de revendication
politico-sociale qui s’expriment, actuellement, chez nous et chez nos voisins.
Sous quelle forme allons-nous bénéficier du savoir-faire “reconnu dans
le monde entier des forces de sécurité” françaises, comme le précise
Alliot-Marie ? S’agit-il de transporter des bataillons de CRS vers Tunis et
Alger ? Ou bien s’agit-il, pour la police française, de refiler à ses homologues
de cette rive-ci les secrets de ses méthodes ? Outre que la proposition
pose un problème de considération de la souveraineté des États qu’elle veut
défendre contre sa population, Alliot-Marie n’a apparemment pas peur de
réveiller des souvenirs des peuples, historiquement victimes du “savoir-faire”
policier de la France. Ces souvenirs sont faits, en ce qui concerne l’Algérie,
du 11 Décembre 1960 à Alger, au quartier Belcourt, et du 17 Octobre 1961 à
Paris, par exemple. Avec un tel crédit, suggérer la sous-traitance du maintien
de l’ordre pour le compte des régimes de ses anciennes colonies reviendrait à
vouloir organiser un jubilé de ratonnades de triste mémoire.
La déclaration de la responsable de la diplomatie française, faite
devant les parlementaires français, n’est pas à confondre avec une offre de
compétence ou de moyens discrètement de gouvernement à gouvernement qui se
soutiennent. On peut comprendre que les modes d’expression des jeunes Algériens
et Tunisiens ne conviennent pas à l’idée qu’elle se fait de la manière dont on
doit traiter des régimes “amis” ; mais l’image de la France, déjà suffisamment
ternie par son silence complice habituel devant les massacres récurrents au
Maghreb, n’est pas bonifiée par une offre qui constitue un affront aux
souffrances, aux sacrifices et sévices que subissent en général les Maghrébins
qui luttent pour leurs droits. Ainsi, après la métropole voudrait
soutenir l’effort de “pacification” et mater cette nouvelle révolte d’indigènes
en Afrique du Nord !
Sans être de ceux qui voient partout la résurgence du fantasme colonial, on ne
peut que trouver dans le fait de réduire une crise sociopolitique complexe, même
si elle est marquée par des “casses”, à une situation sécuritaire, l’expression
d’une représentation colonialiste de l’ordre
public. M.
H. musthammouche@yahoo.fr Edition du Jeudi 13 Janvier
2011
Actualité
Le
“5 Octobre” Tunisien Ben
ali libère les manifestants arrêtés et vire son ministre de l’intérieur
Par : Merzak
Tigrine
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Les développements intervenus hier en
Tunisie indiquent que la situation s’est aggravée dans ce pays en
proie à des manifestations violemment réprimées depuis près d’un
mois. Le fait que les émeutes aient atteint Tunis et sa banlieue
ouest semble avoir eu de l’effet sur le président Zine El-Abidine Ben Ali, qui a
pris une série de mesures hier pour reprendre les choses en main. Il semble
avoir opté pour la politique de la carotte et du bâton. Si le limogeage du
ministre de l’Intérieur, la libération de tous les détenus et la mise en place
d’une commission d’enquête sur la corruption apparaissent comme des concessions
de sa part, le déploiement de l’armée dans les rues de la capitale montre par
contre sa détermination à aller jusqu’au bout dans la répression des émeutes.
Limogeage du ministre de l’Intérieur et
libération des détenus Dans l’espoir d’apaiser la tension, le chef de
l’État tunisien a décidé, hier, un certain nombre de mesures qui laissent
présager un changement dans la manière avec laquelle il a traité cette crise
sociale jusque-là. Le limogeage du ministre de l’Intérieur, après
celui, il y a quelques jours, du ministre de la Communication, et l’annonce de
la libération des détenus arrêtés dans le cadre des émeutes sont des signes
d’une volonté de Zine El-Abidine Ben Ali de calmer les esprits. En effet, le
Premier ministre tunisien, Mohamed Ghannouchi, a annoncé hier, au cours d'une
conférence de presse, le limogeage du ministre de l'Intérieur, Rafik Belhaj
Kacem. Le premier responsable du gouvernement tunisien a également
indiqué que toutes les personnes arrêtées pendant les émeutes sociales seront
libérées. Dans la foulée, il a également annoncé la formation d'une commission
d'enquête sur la corruption que dénoncent opposition et ONG. “Nous avons décidé
la création d'un comité d'investigation pour enquêter sur la question de la
corruption”, a-t-il déclaré devant des journalistes.
L’armée dans les rues de Tunis Tôt le
matin, l’armée tunisienne s'est déployée hier à Tunis où la tension est montée
au lendemain d'affrontements entre la police et des manifestants qui ont éclaté
dans la nuit dans la banlieue ouest populaire. Des renforts
militaires, soldats en armes, camions, jeeps et blindés ont fait leur apparition
dans Tunis pour la première fois depuis le déclenchement des affrontements que
connaît la Tunisie depuis maintenant un mois. Ces renforts étaient postés à des
carrefours du centre de Tunis et à l’entrée de la cité Ettadhamen où les dégâts
d'une nuit de violence étaient visibles. Selon l’AFP, un blindé tous
feux allumés et des soldats en armes étaient positionnés à l'entrée de ce gros
faubourg où des carcasses de voitures et d'un bus incendiés n'avaient pas encore
été enlevées, près du siège de la délégation attaqué la veille. Outre
des renforts importants de police et d’unités d'intervention spéciales, deux
véhicules de l'armée et des soldats montaient la garde sur la place reliant les
avenues de France et Habib-Bourguiba, face à l’ambassade de France et à la
grande cathédrale de Tunis. Cette place avait été, la veille, le
théâtre de manifestations étouffées par la police. Des renforts militaires
étaient également visibles autour de la radiotélévision. Un mardi
sanglant Le bilan des troubles sociaux qui ébranlent la Tunisie depuis
près d'un mois s'est alourdi à une cinquantaine de morts dans le centre du pays
en trois jours, selon un responsable syndical, qui a évoqué une situation de
chaos, mardi à Kasserine, principale ville du Centre. Les affrontements ont
éclaté mardi soir pour la première fois dans une banlieue de Tunis, alors que
les émeutes qui secouent la Tunisie depuis près d'un mois ont fait 21 morts,
selon les autorités, et plus de 50 tués, selon un syndicaliste. “Nos chiffres
disent 21 décès”, a déclaré mardi, lors d'un point de presse, le ministre
tunisien de la Communication, Samir Labidi. “Ceux qui ont parlé de 40 ou de 50
morts doivent produire une liste nominative”, a-t-il lancé, faisant état de
dégâts matériels considérables sans fournir d'évaluation chiffrée. Le précédent
bilan officiel, communiqué mardi à la mi-journée, faisait état de 18 morts. La
présidente de la Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme
(FIDH), Souhayr Belhassen, avait assuré qu'au moins 35 personnes avaient trouvé
la mort dans les émeutes. “Le chiffre de 35 morts s'appuie sur une liste
nominative”, avait-elle déclaré. Un peu plus tôt dans la journée, Sadok
Mahmoudi, membre de la branche régionale de l'Union générale des travailleurs
tunisiens (UGTT), avait évoqué une situation de chaos à Kasserine, principale
ville du Centre, et un bilan de plus de 50 morts les trois derniers
jours. L’UE condamne le recours disproportionné à la force par la
police La porte-parole de la chef de la diplomatie européenne,
Catherine Ashton, a condamné hier l'usage disproportionné de la force par la
police en Tunisie. “Cette violence est inacceptable, les auteurs doivent être
identifiés et traduits en justice”, a déclaré Maja Kocijancik. Précisant que
l'UE demandait une enquête à ce sujet, elle a ajouté : “Nous sommes inquiets du
recours à la force disproportionné de la police envers les manifestants
pacifiques.” Pour rappel, lundi, Mme Ashton avait demandé la
“libération immédiate” des manifestants, blogueurs et journalistes arrêtés ces
dernières semaines en Tunisie. Même son de cloche à Washington, où les
États-Unis ont fait part mardi de leur préoccupation face à des informations
selon lesquelles les forces tunisiennes feraient un “usage excessif de la force”
envers les manifestants, après les émeutes sanglantes qui ont eu lieu dans ce
pays. “Les États-Unis sont profondément préoccupés par les informations faisant
état d'un usage excessif de la force de la part du gouvernement tunisien”, a
déclaré Mark Toner, un porte-parole du département d'État. De son côté, la
secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, s'est dite “inquiète quant aux
troubles et à l'instabilité” dans ce pays dirigé depuis 23 ans par le président
Zine El-Abidine Ben Ali. Elle s'est également déclarée préoccupée par “la
réaction du gouvernement, qui a malheureusement provoqué la mort de certains
jeunes protestataires”, et a appelé à une “solution
pacifique”.
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