ROUIBA ......

Actualités : LES AGENCES D’AIR ALGÉRIE PRISES D’ASSAUT PAR LES SUPPORTERS DE L’ÉQUIPE NATIONALE
Toute l’Algérie veut aller à Khartoum !

Ils ont venus de partout, des wilayas limitrophes, de l’Est, de l’Ouest, du Sud pour se procurer les 8 000 billets d’avion au niveau de deux agences d’Air Algérie, à l’avenue Pasteur et à El-Biar. Des jeunes, des moins jeunes, femmes et hommes ont fait le déplacement pour se rendre à Khartoum.
Hier, une masse humaine s’est agglutinée dès les premières heures du matin pour ne se disperser que jusque tard dans l’après-midi, bloquant toute l’avenue Pasteur et empêchant la circulation des véhicules dans tout le centre-ville. Les forces de l’ordre étaient en état d’alerte, en dépit du cordon sécuritaire. Il y avait crainte que l’attroupement ne déborde en émeute, tellement les gens étaient chauffés à blanc. Ils étaient des centaines à se masser devant l’entrée de l’agence. Ils scandaient des slogans hostiles aux Egyptiens et d’autres puisés dans le répertoire des événements du 5 Octobre 1988 et ceux de la Kabylie : «Bab-el-Oued chouhada, oulach smah, djeich, chaâb, mâak ya Saâdane.» Au fur et à mesure, leur impatience s’accentuait et à un certain moment, le «sit-in» a failli dégénérer quand un groupe de jeunes a escaladé le mur de l’immeuble jouxtant l’agence d’Air Algérie et a commencé à frapper sur la grille qui était fermée. Ils ont lancé des fumigènes et des pétards. Les forces de l’ordre sont intervenues pour faire descendre les jeunes, qui ont repris leurs esprits mais en pestant contre le fait que les billets ne soient disponibles que dans deux agences alors qu’il aurait mieux fallu en distribuer dans tous les points de vente pour éviter ces désagréments et les déplacements aux gens de l’intérieur du pays. Les demandeurs de billets remettaient leurs passeports, deux photos et 5 000 DA de frais d’assurance et de visa. Ceux qui étaient sur les lieux passaient le mot à ceux qui sont venus en retard. Dans l’incapacité d’accéder à l’intérieur de l’agence à cause de la bousculade, nous avons demandé à des jeunes qui ont apparemment remis leurs passeports de nous relater ce qu’on leur a dit. «On a annoncé à la radio, ce matin, que Bouteflika nous offrait 10 000 tickets de stade alors que Rebrab offrait 3 000 billets d’avion et l’armée 5 000 billets. Nous sommes venus pour en avoir, nous sommes prêts à les acheter, mais qu’ils nous ouvrent les portes, qu’ils nous laissent partir au Soudan. Nous n’allons pas uniquement pour supporter notre équipe qui a été malmenée, mais aussi pour corriger les Egyptiens», nous dira l’un d’eux. Ce geste a ravivé l’espoir et mis du baume au cœur des Algériens, déchirés par le score du match Egypte-Algérie de la veille. D’ailleurs, sur les lieux, la tension est montée d’un cran lorsque nous avons été entourés par des supporters arrivés le matin d’Egypte. Ils nous ont raconté l’enfer qu’ils ont vécu dans les quartiers miteux de la capitale égyptienne où ils ont été jetés en pâture aux délinquants et sous le regard complice des policiers égyptiens. Selon leurs témoignages, il y a même eu tentative d’empoissonnement avec du jus et de la nourriture périmés. Mohamed et Mourad viennent de Blida, ils sont bouleversés, ils sont toujours sous le choc : «Dites-vous bien que le sang des Algériens a coulé par traîtrise. Ils ont brûlé notre drapeau pour lequel un million et demi de martyrs sont morts, nous n’accepterons pas cette humiliation et les Egyptiens devront le payer d’une manière ou d’une autres.» Même Cheb Khaled a eu pour son grade : «Alors que les Egyptiens brûlaient notre drapeau, il dansait avec le leur, c’est une honte !» Un autre supporter revenu d’Egypte, Imed Maâouch, enchaîne : «Ils m’ont dépouillé, ils m’ont tout pris, mon portable, mon argent, même ma chaîne. Je vais me rendre à Khartoum et je vais pour récupérer mes affaires et rendre les coups que j’ai reçus.» Et d’ajouter : «Si notre équipe avait gagné, on nous aurait tous tués !» Un autre raconte l’enfer qu’il a vécu : «Après la fin du match, ils nous ont gardé au stade jusqu’à 3 heures du matin, les policiers nous ont dit que nous serions protégés et que nous n’avions rien à craindre, ils nous ont embarqués dans des bus alors qu’ils devaient nous emmener à notre hôtel, ils nous ont conduits dans des quartiers populaires d’El- Ahram où nous avons été reçus par des jets de pierres et des barres de fer. Un jeune de Kouba est mort sur le coup devant moi, on m’a étranglé avec le drapeau que je portais autour du cou. Ce calvaire a duré jusqu’à 5 heures du matin, on nous a laissé baigner dans notre sang devant l’hôtel Europa.» Ghedab Hocine est entraîneur d’arts martiaux, il fait de son voyage au Soudan une affaire d’honneur : «Ce que les policiers égyptiens ont fait à nos compatriotes est inadmissible, j’ai sauvé 45 Algériens durant les inondations de Bab-el-Oued, je ne supporte pas qu’on nous humilie de la sorte.»
Fatma Haouari